Cela ressemble presque à du comique de répétition. Pour la troisième fois en un mois, James Comey, Directeur du FBI, en a remis une couche concernant le chiffrement des données contenu dans iOS 8, un chiffrement tellement performant qu’il empêcherait l’agence de faire correctement son travail. Intervenant devant la Brookings Institution, le directeur a réitéré ses critiques habituelles, re-précisant sa pensée concernant les choix opérés ces derniers mois par Apple et Google.

« Le chiffrement menace de nous entraîner tous dans un endroit très très sombre« , prophétise Comey en préambule. Filant l’analogie, le patron du FBI tente de bien se faire comprendre : « C’est ( le Chiffrement, Ndlr) l’équivalent d’un placard qui ne peut pas être ouvert. Un coffre-fort qui ne peut pas être ouvert. Un coffre-fort qui ne peut jamais être fissuré. Et ma question est, à quel prix ? » Jusque là, rien de bien nouveau et certains arguments de Comey se tiennent. Pourquoi la justice ne devrait pas pouvoir faire son travail après tout ?

Mais la suite dévoile les intentions un peu plus « profondes » de James Comey. Ce dernier se déclare en effet en faveur d’une réglementation obligeant les entreprises privées à coopérer dans les affaires judiciaires, quitte à ce que cette règlementation interdise de facto toute solution vraiment sécurisée des données personnelles, et quitte aussi à remettre en cause la loi Calea de 1994 qui reconnaît aux entreprises concernées le droit de chiffrer leurs logiciels comme elles l’entendent, sans même en détenir la clef.

James Comey FBI

 

L’objectif de Comey apparaît on ne peut plus clair lorsqu’il avoue son souhait de pouvoir passer légalement par la porte de devant plutôt que par celle de derrière, par la frontdoor plutôt que par la backdoor pour ainsi dire. Ce souhait tient plus d’un soucis d’image : l’usage de backdoors par les agences d’espionn…heu de sécurité nationales américaines donne la claire impression aux citoyens de procédés de surveillance hors-la-loi, utilisés dans le secret absolu, et aboutissant à une collecte massive et discrète de données qui transforme chaque citoyen en un coupable potentiel, à priori.

Que la Backdoor devienne une porte d’entrée fraichement repeinte, avec sonnette intégrée et paillasson neuf ne change rien au fond du problème. Le FBI ne râle pas contre Apple parce que les données sont chiffrées, mais, comme nous l’avions déjà dit, parce que ce chiffrement interdit la collecte massive de données, une collecte dont le caractère constitutionnel ne saute pas vraiment aux yeux d’un grand nombre de juristes américains. De plus, la demande est à tout le moins paradoxale puisque le FBI demande de fragiliser volontairement le niveau de sécurité des utilisateurs de mobiles iOS ou Android au nom du renforcement de la sécurité intérieure..avec risque que ces mêmes citoyens se fassent pirater encore plus facilement leurs données; il faut bien considérer que si le FBI peut rentrer comme bon lui semble chez n’importe qui parce qu’il aurait le double des clefs en toute circonstance, d’autres seraient sans aucun doute tentés de se fabriquer leur propre pass.

La sécurité absolue, l’inviolabilité sacrée, James Comey la prônait pourtant il y a peu pour défendre les intérêts des entreprises américaines menacées par les tentatives de hack à répétition venant de Russie ou de Chine. Le citoyen américain de base n’est donc visiblement pas mis sur le même pied d’égalité que les grands groupes nationaux. Faut-il vraiment s’en étonner ?