On peut l’affirmer sans prendre (trop) le risque de se tromper : les conditions de travail dans les usines des fournisseurs d‘Apple restent le principal problème « social » et même d’ « image » pour Cupertino. Dans son nouveau rapport 2015, l’équipe de Jeff Williams, Senior Vice President aux Opérations , trace un tableau sans compromis, issu des très nombreux audits qu’Apple à fait mener dans les usine de Foxconn et d’autres fournisseurs asiatiques. Apple aura procédé à 40 visites surprises l’an passé et récolté ses informations auprès d’1,6 million de salariés. Paradoxalement, et alors qu’elle est souvent accusée dans les médias de « soutenir » à demi-mot une forme d’esclavage moderne, dans les faits Apple est la seule sociétés du secteur technologique à mener des audits à cette échelle, en collaboration d’ailleurs avec la FLA, une association indépendante qui se bat pour le droit des travailleurs partout dans le monde.

Les audits auront permis de constater que 92% des entreprises « surveillées » respectent les 60 heures maximum de travail par semaine (ce qui ne veut pas dire que les employés ne font pas d’heures supplémentaires, mais que celles-ci doivent être effectuées volontairement). En moyenne, les fournisseurs sont sur la base de 49 heures/semaine tandis que l’immense majorité des salariés embauchés pour travailler plus de 40 heures effectuent 55 heures/semaine. Cela peut sembler « rude » vu de nos 35 heures, mais cela reste dans la législation en vigueur en Chine (ce qu’omettent d’ailleurs parfois de préciser certains reportages sur le sujet). 94% de ces salariés bénéficient d’au moins 1 jour de repos chaque semaine (ce qui fait quand même 6% qui travaillent comme des bagnards 7 jours sur 7).

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Concernant le sujet sensible des travailleurs mineurs, là encore il n’y a pas de grande révélation. Les enquêtes d’Apple ont permis de dénombrer 16 cas de salariés en dessous de l’âge légal, ce qui ne fait tout de même que 0,001% de l’ensemble des effectifs de ces fournisseurs (c’est toujours trop dans l’absolu, mais la proportion permet là encore de relativiser le « drama » des médias occidentaux à l’aune de cette base statistique aussi maigre). Apple participe aussi au Rural Education Action Program de l’université de Stanford (auquel collabore aussi la société Dell), afin de lutter contre l’emploi (ou plutôt l’exploitation) de jeunes stagiaires issus des universités chinoises.

La limite du nombre de stagiaires en entreprises a été fixée à 20% (de l’ensemble des salariés) par Apple, ce qui est encore beaucoup et montre ici une certaine schizophrénie de Cupertino, qui sait très bien que les lancements d’iPhone demandent un surcroit énorme (et temporaire) de travailleurs dans les usines de Foxconn et des autres, et que la seule façon d’avoir de la main d’oeuvre rapidement reste l’emploi de stagiaires. Ceci dit, une nouvelle fois, les médias occidentaux, et encore plus les médias français, ont beau jeu de critiquer ces pratiques alors que la France est l’un des pays champion du monde dans l’emploi de stagiaires non-rémunérés dans les entreprises. En moyenne, le taux de stagiaires constatés lors des enquêtes tourne entre 1 et 2%, loin de la limite fixée par Apple.

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Ran, un employé en dessous de l’âge légal, dont le études sont maintenant financées entièrement par Apple dans le cadre du programme ULRP (Underage Labor Remediation Program)

Les audits effectués par Apple sont aussi un moyen de rectifier les torts quand ils sont constatés; ainsi, Apple a forcé la main des fournisseurs pour qu’ils versent l’équivalent de 900 000 dollars d’heures non payées à certains salariés qui cumulaient des heures supplémentaires. Quant aux salariés mineurs, tous sont retournés sur les bancs de l’école, grâce au programme ULRP (Underage Labor Remediation Program) mis en place par Apple.

Apple agit aussi en amont et a renforcé son programme SEED (Supplier Employee Education and Development), qui consiste à former certains salariés à l’aide bien sûr des outils technologiques du groupe (iPad, iMac) et aussi d’outils logiciels et de vidéo-conférence. Depuis 2008, pas moins de 860 000 salariés provenant de 23 usines différentes auront ciré les bancs de ces « écoles » pas comme les autres, et bien sûr sans que cela ne coûte le moindre centime aux salariés en question. Apple forme aussi les futurs managers d’usine. 632 « cadres » soucieux de répondre aux chartes édictés par la compagnie encadrent aujourd’hui un total de 900 000 ouvriers. Les standards de sécurité et de respect de l’environnement sont eux aussi remis au goût du jour chaque année, et concernent aussi bien l’interdiction de certains produits chimiques que les conditions d’accès et de sortie dans les bâtiments. Mieux encore, Apple a informé de leurs droits 2,4 millions de travailleurs en 2014, et plus de 6 millions depuis 2007 et le début de ces programmes d’audit.

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Des employés de Foxconn en sessions d’e-learning dans le cadre du programme SEED (Supplier Employee Education and Development)

Comme on peut donc le constater, Apple est très loin de prendre à la légère les conditions de travail dans les usines de ses fournisseurs et a véritablement multiplié les initiatives pour faire en sorte que les abus les plus graves disparaissent, ou soient au moins limités à une portion statistique congrue. La masse d’efforts fournis et financés très largement sur les seuls deniers d’Apple (les fournisseurs mettent rarement à la poche) permet aussi de comprendre la réaction très énervée d’un Tim Cook, estimant comme « insultantes » les allégations d’une reportage récent de la BBC, qui dépeignait Apple en grand « satan » d’une forme d’esclavagisme moderne. Rappelons tout de même que la moyenne des salaires à Foxconn oscille entre 360 et 400 dollars mensuels, alors que les salaires des employés du textile au Viet-Nam ou en Inde tournent autour de 100 dollars/mois, ce que de nombreux médias oublient encore trop souvent de préciser lorsqu’ils font d’Apple le représentant absolu de l’exploitation des travailleurs dans le monde…