Quelle mouche a donc piqué le Woz ? Si l’on savait le co-fondateur d’Apple capable de sorties radicales sur l’entreprise qu’il a lui-même contribué à créer, jamais l’inventeur de l’Apple 1 n’était allé aussi loin dans la critique de l’autre co-fondateur d’Apple, Steve Jobs. C’est lors d’une interview accordée à une lycéenne de 14 ans que Wozniak s’est littéralement déchainé sur son ancien « ami », quitte à largement déformer les faits bruts.

Steve Wozniak

Cela commence pourtant par une simple vérité, déjà connue par ailleurs : « Steve Jobs n’a joué aucun rôle -du tout- dans mes designs des Apple I et Apple II, ni dans les interfaces pour les imprimantes, les ports série, les lecteurs disquettes et toutes ces choses que j’ai rajoutées pour améliorer les ordinateurs » déclare un Woz bien en verve, mais le reste est beaucoup plus étonnant : « Il ne connaissait pas la technologie. Il n’a jamais créé quoique ce soit comme l’aurait fait un ingénieur et il ne connaissait pas le logiciel. Il voulait être important, et les gens importants sont toujours des hommes d’affaires. Voilà ce qu’il voulait faire. » Un ange passe…

Wozniak n’est pas tendre avec son ancien partenaire

On pourrait en rester là et ne pas relever les propos de Woz, génial inventeur en effet de l’Apple 1, sauf que le portrait qu’il fait ici de Steve Jobs est factuellement erroné, pour ne pas dire mensonger. La simple lecture de la biographie officielle de Steve Jobs renseigne déjà sur sa passion précoce pour l’électronique (il n’a pas attendu Wozniak pour ça). A l’époque, Jobs est même le plus calé de son établissement scolaire. Rencontrant ensuite Woz, les deux compères participeront ensemble aux sessions HomeBrew, un association de jeunes passionnés d’informatique qui fourmillent d’idées. Jobs est alors dans son élément, et ce même s’il n’a pas les capacités d’abstraction du génial Wozniak.

Steve Jobs Steve Wozniak

Il est vrai cependant que Steve Jobs a très vite utilisé le talent de son ami pour accélérer certains de ses propres travaux (comme lors du coup de main de Woz à Steve lorsque ce dernier travaillait sur la borne d’arcade Breakout pour le compte de la société Atari), ce qui aura pu générer une certaine amertume du côté de Wozniak (Jobs n’a jamais payé à Woz la part qui lui revenait pour le fonctionnement de la borne); mais Jobs connaissait les circuits imprimés, savait monter une carte à puces, et était bien sûr tout à fait capable de programmer (il travaillait au départ pour HP). Le décrire seulement comme un opportuniste (ce qu’il était aussi) qui a su saisir le vent technologique qui passe (idem) reste incroyablement réducteur puisque cela gomme la nature profondément viscérale et passionnelle qui reliait Steve Jobs à cette période des tous débuts de l’informatique. Autant Bill Gates avait l’âme d’un businessman, autant Steve Jobs était avant tout un homme de projets, un rêveur de technologies nouvelles; c’est d’ailleurs en grande partie parce que ses idées partaient dans tous les sens et manquaient parfois de pragmatisme qu’il fut débarqué d’Apple en 85; Wozniak a t-il déjà oublié ça ?

Enfin, l’implication de Jobs dans les deux grands projets qu’il aura dirigé de bout en bout, le Macintosh et le Next Computer, n’avait pas grand chose à voir avec le rôle et la fonction d’un Businessman;  mais cela, le Woz ne pouvait déjà plus le savoir puisqu’il ne travaillait plus aux côtés de Jobs…Au moins aurait-il pu se renseigner…