C’est une certitude : Apple ne veut vraiment pas payer 13 milliards d’euros d’ « arriérés » d’impôts à l’Irlande (et le gouvernement irlandais ne semble pas le souhaiter non plus); après quelques piques d’usage lancées à l’encontre de la Commission européenne (et de sa commissaire en chef), le californien n’a pas oublié de fourbir une défense autrement plus détaillée et circonstanciée sous la forme d’un recours adressé le 19 décembre 2016, recours qui vient juste d’être publié sur le journal officiel de l’union européenne. Le géant américain liste 14 points qui selon lui invalident la décision de la Commission, des points de procédure qui ne sont pas tous au même degré importance.

Apple estime ainsi que la Commission a fait des « erreurs d’interprétation du droit irlandais » (point 1) et qu’elle a bien payé « l’impôt irlandais sur les sociétés en vertu de l’article 25 du Taxes Consolidation Act 1997 (code des impôts consolidé de 1997) uniquement sur les «bénéfices imposables» imputables à des activités exercées par leurs succursales irlandaises. Les avis tenaient dûment compte des «bénéfices imposables» des succursales et ne conféraient donc aucun avantage. La Commission a également commis une erreur en considérant que l’affectation des bénéfices prévue à l’article 25 doit être effectuée conformément au «principe de pleine concurrence ».

Autre point de désaccord (le 3) : « La Commission a commis des erreurs fondamentales en ne reconnaissant pas que les activités génératrices de bénéfices des requérantes et, plus particulièrement, le développement et la commercialisation des droits de propriété intellectuelle d’Apple étaient contrôlés et gérés depuis les États-Unis. Les bénéfices découlant de ces activités étaient imputables aux États-Unis et non à l’Irlande. C’est à tort que la Commission n’a tenu compte que des procès-verbaux des réunions des conseils d’administrations des requérantes et ignoré toutes les autres preuves d’activités« . Quelques  points suivants semblent directement découler de ce 3ème argument, et répètent le même type d’arguments, à savoir que les filiales d’Apple en Irlande ne réalisaient pas les bénéfices imputées par la Commission à Apple.

Mais le gros de la défense d’Apple est pratiquement résumé dans son dernier point d’argumentation (le 14ème donc) :  »
La Commission a violé la sécurité juridique en ordonnant la récupération sur le fondement d’une interprétation imprévisible de la réglementation en matière d’aides d’État, n’a pas examiné tous les éléments de preuve pertinents, en violation de son obligation de diligence, n’a pas motivé la décision attaquée à suffisance de droit et a dépassé sa compétence au titre de l’article 107 TFUE en essayant de modifier le régime irlandais de l’impôt sur les sociétés. » En d’autres termes, Apple accuse ici la Commission européenne de dépasser ses cadres d’intervention et donc ses prérogatives en expliquant à l’Irlande comment elle aurait du percevoir l’impôt sur les sociétés, et pire, d’avoir refusé d’examiner les pièces du dossier qui pointaient du doigt ce dépassement des « cadres »; comme on peut s’en douter, la Commission ne devrait pas tarder à réagir à cette ligne de défense étoffé, et devrait logiquement arguer du droit européen, qui ne permet pas aux membres de l’Union de s’affranchir des règles communes y compris en terme de droit fiscal.