C’est entendu : l’iPhone X coûtera l’équivalent d’un SMIC dans sa version  » de base » et bien au delà pour le modèle disposant de 256 Go de stockage. Cette explosion tarifaire a fait couler beaucoup d’encre (et saigner de nombreux yeux) et on assiste à nouveau à une accumulation de billets, d’articles, d’éditos même pointant du doigt l’avarice d’Apple et son goût immodéré pour les étiquettes qui flambent, oubliant un peu vite qu’il s’agit aussi de la première année où la gamme iPhone est si étendue, avec en entrée de gamme des iPhone disponibles aux alentours des 400 euros.

En France, l’iPhone X et le Galaxy Note 8 franchissent allègrement la barre des 1000 euros

Surtout, la hausse brutale des tarifs n’est pas vraiment une spécificité d’Apple dans le contexte actuel, et touche littéralement tout le haut de gamme du secteur mobile; il est même plutôt facile de dénombrer les derniers modèles Android qui ont connu une explosion tarifaire : ainsi, le Huawei Pro 10 démarre à 569 livres en Angleterre, bien au dessus du prix de lancement du Huawei Pro 9, qui était de 449 livres (+26% de hausse). Le OnePlus 3 coûtait 399 dollars en 2016, son successeur (OnePlus 5) est proposé à la vente à 479 dollars (+20% de hausse). Samsung non plus n’a pas hésité à hausser le prix de son Galaxy Note 8, qui démarre à 930 dollars (et plus de 1000 euros en France), contre 849 dollars en 2016 (+10%); Même Google ne devrait pas « échapper » à cette tendance puisque les rumeurs sur les tarifs des prochains Google Pixel font état d’un prix en nette hausse (849 dollars pour le modèle 2017, contre 769 dollars l’an dernier). Et bien sûr, l’iPhone X enfin, qui démarre à 999 dollars (près de 1150 euros en France) soit 30% de mieux que l’iPhone 7 Plus de 2016 (769 dollars), mais il faut rappeler que le successeur direct de l’iPhone 7 Plus est bien l’iPhone 8 Plus, qui lui ne change pas de prix.

Ainsi donc, le haut de gamme des fabricants chinois oscille désormais entre 500 et 600 dollars (et même au delà) tandis que la crème de chez Google, Samsung et Apple balance entre 850 et 1000 dollars. Certes, Apple est celui qui appuie le plus sur l’accélérateur, mais cela ne devrait étonner personne; en revanche, la hausse globale tarifaire du haut de gamme concerne bien l’ensemble du secteur, une hausse dont les explications sont à chercher du côté de la marge, et de la volonté de nombre de fabricants Android de chercher un peu de rentabilité après des années à avoir seulement couru derrière le volume de vente (le relatif paradoxe étant que ces marques vendent plus quand leurs produits sont nettement plus chers); les clients sont aussi en partie responsables de cette hausse généralisée, car ces derniers demandent des évolutions sensibles de performances d’une génération à l’autre d’appareil, et ce au moment où les prix des composants les plus « premiums » s’envolent littéralement; ainsi, la dalle OLED de l’iPhone X coûte à Apple plus de 200 dollars par exemplaire et nombre de capteurs photos, gyroscopes, etc. ont vu leur tarif de détail exploser.

Développer des composants de pointe a un coût, souvent pharaonique. Le processeur A11 Bionic a nécessité le travail d’un millier d’ingénieurs, et son architecture a commencé à être « pensée » dès la sortie de l’iPhone 6

Si l’on rajoute à ce tableau des matériaux nettement plus qualitatifs pour la coque, les coûts en R&D pharaoniques pour les fabricants qui conçoivent leurs propres composants (ce qui est le cas de Samsung, Apple et Huawei) et l’on obtient un contexte largement favorable à une flambée tarifaire. La moindre évolution technique, même incrémentale, coûte aujourd’hui beaucoup plus cher aux fabricants, parce qu’elle demande aussi plus de ressources humaines et que la technologie est déjà mature; en d’autres termes, il faut casser le moule à chaque évolution; et lorsque les évolutions sont encore plus franches (comme le Face ID de l’iPhone X, ou le Bionic 11 surpuissant et son NPU intégré) les tarifs doivent alors généralement couvrir des frais de recherche et de développement qui atteignent au bas mot plusieurs milliards de dollars annuels.

Les clients adossés à une marque acceptent plus facilement les hausses tarifaires; et Apple n’est pas le seul à l’avoir compris…

Les fabricants n’hésitent plus à augmenter les tarifs aussi parce que la clientèle est là, presque captive; c’est le cas pour les iPhone-users, mais aussi les Galaxy-users ou les Huawei Pro-users en Chine, qui affichent une plus grande dépendance à leur marque fétiche. Oppo a lui aussi ses fidèles, et certains ne jurent déjà plus que par les Google Pixel.

Petit à petit, le marché du smartphone se réoriente donc massivement vers des prix élevés qui s’appuient sur des appareils qui n’ont plus grand chose à voir technologiquement parlant avec le tout premier iPhone. Aussi puissants que des consoles de jeu, dotés d’écrans bords à bords technologiquement plus avancés que les grandes dalles de téléviseurs, intégrant des IA de plus en plus « intelligentes », capables de fonctions domotiques, de piloter des robots ou des drones, équipés de capteurs photo dignes d’un bon compact, désormais prêts pour la réalité augmentée ou la reconnaissance faciale 3D, les smartphones d’aujourd’hui sont déjà ceux d’un futur rêvé; certes, il est toujours possible de jouer son cynique ou son blasé en disant que tout cela ne sert au final qu’à se rendre sur sa page Facebook, mais pour cela il existe aussi des smartphones nettement moins « smart », qui font moins, proposent moins (voire beaucoup moins) et la question du prix ne ne pose alors plus vraiment.