Lors de sa dernière Keynote, Apple s’est longuement vanté des performances exceptionnelles de son processeur A11 Bionic, des affirmations qui ont depuis largement été « vérifiées » par les différentes mesures de tests de performances (GeekBench notamment). Et voilà qu’un « spécialiste » des processeurs, Ashraf Eassa affirme tout de go qu’en fait, l’évolution de puissance d’une génération sur l’autre de processeur Ax serait assez faible, la plus faible de ces 5 dernières années à vrai dire; alors quoi, Apple nous aurait donc menti ? Mais que penser du coup des tests de bench, qui eux ne mentent pas ?

Il est déjà bon de savoir de quoi on parle exactement, et Ashraf Eassa justement ne parle pas de la puissance globale du A11 Bionic, lorsque ses 6 coeurs tournent de concert, mais de celle d’un seul des coeurs de puce qui le compose. Et en traitement simple coeur, l’assertion de l’analyste est parfaitement juste : chaque coeur de CPU du A11 ne gagne « que » 25% de puissance supplémentaire tandis que chaque coeur de GPU ne gagne lui « que » 30%, soit les progressions les plus faibles depuis au moins le A8. Mais en puissance globale de SoC, lors des traitements en multi-coeurs, l’écart passe alors à 70%…du simple fait qu’Apple a placé plus de coeurs dans sa nouvelle puce (6 exactement). Et Ashraf de conclure que ces résultats sont malgré tout décevants et qu’Apple aurait sans doute souhaité obtenir mieux…ce qui ne semble pourtant pas si évident.

Les gains de puissance par coeur de puce sont les plus faibles jamais enregistrés depuis 4 ans…Mais le A11 dispose de 6 coeurs, et cela change tout 

Tout d’abord, il faut bien comprendre que l’architecture d’un processeur est affaire de choix, de juste mesure entre la puissance voulue par coeur, en multi-coeurs, et les contraintes inévitables comme la bonne gestion de la dissipation thermique par exemple ou bien encore la finesse de gravure possible. Longtemps, Apple a semblé privilégier les SoC avec peu de coeurs (2 au maximum), mais des coeurs très puissants, disposant chacun d’un nombre de transistors largement supérieur à celui de ses concurrents directs.

Depuis l’iPad Pro néanmoins, cette logique du « super-coeur » a été « amendée, et Apple semble vouloir obtenir un meilleur « dosage » encore en cumulant ses acquis sur le traitement mono-coeur (où il explose clairement la concurrence) aux possibilités offertes par les traitements massivement multi-coeurs (les coeurs du A11 peuvent tourner en parallèle). Mais pour que ce nouveau dosage fonctionne, il n’est plus possible d’en passer par des « gros coeurs » ou tout au moins de continuer une logique aussi spectaculairement ascendante sur un seul coeur, car cela réduirait tout simplement les chances d’installer 4 ou 6 gros coeurs sur un SoC de taille raisonnable…à moins de baisser drastiquement la finesse de gravure à 7 nm par exemple (ce qui n’était pas encore possible au moment de la conception de l’iPhone X).

Ashraf analyse le A11 comme si celui-ci était la conséquence d’un choix « par défaut » d’Apple, ce dernier ayant dû compenser les « faibles » gains de performance sur un seule coeur par un plus grand nombre de coeurs (vous suivez ?). Mais cette assertion reste un peu étrange … dans la mesure où c’est bien l’architecture multi-coeurs propre au A11 qui lui permet de distancer la concurrence Snapdragon ou Exynos comme jamais cela ne s’était produit auparavant. De plus, rien ne dit qu’en restant à une architecture à deux coeurs et en privilégiant un gros gain de puissance par puce (c’est à dire en ajoutant encore des milliards de transistors) Apple serait arrivé au final au même gain de performance global que celui obtenu avec le A11 et ses 6 coeurs; tout porte à croire au contraire que ce gain aurait été inférieur (mais certes supérieur en mono-coeur). En d’autres termes, chaque coeur de processeur du A11 garde une avance confortable (mais moins importante que d’habitude) sur les coeurs des SoC concurrents (Exynos et Snapdragon), ce qui permet d’exploser cette fois toute la concurrence lors des traitements multi-coeurs (car nettement + de coeurs que sur les A10, A9, etc…).

L’autre point qui permet de douter d’un choix par défaut d’Apple, ce sont les nouvelles fonctions d’iOS 11 et de l’iPhone X (ARKit, reconnaissance faciale 3D, IA améliorée), des fonctions qui bénéficient cette fois à plein d’une architecture multi-coeurs. L’interface d’iOS n’a en effet plus vraiment besoin des gros gains de puissance en mono-coeur étant donné sa réactivité actuelle (cette dernière fonctionne sur un seul coeur de processeur), alors qu’ARKit et consorts profiteront à fond de la puissance de calcul d’un vrai multi-coeur étendu avec des calculs en parallèle.

Concernant le GPU l’explication du faible gain par coeur est plus logique encore : il s’agit du tout premier GPU mobile conçu et architecturé entièrement par Apple, et l’on peut penser que le californien a préféré assurer ce premier jet sans se lancer dans quelque chose de trop audacieux …et qui se serait peut-être soldé par un bug fâcheux (remember Intel…).

Ashraf cite aussi comme responsable du « faible » gain de puissance la technologie de gravure (en 10 nm) utilisée par TSMC pour le A11, ce qui aurait « forcé » Apple à réduire la fréquence de traitement par cycle d’horloge, et donc la puissance du coeur. Cette explication est largement plus crédible, et il est vrai que le fondeur a déjà annoncé que ses prochaines puces en 7 nm seront fabriquées selon des technologies permettant d’obtenir une meilleure densité par puce, et donc des montées en fréquence plus importantes. Chaque coeur de puce du A12 en 7 nm devrait ainsi gagner jusqu’à 40% de puissance supplémentaire; quant aux résultats en traitement multi-coeurs, ils atteindront forcément de nouveaux sommets…Cet énorme gain de puissance pourrait notamment permettre à Apple d’installer des écrans OLED ProMotion (taux de rafraichissement 120 Hz) dans ses prochaines iPhone, à l’instar de ce qui est déjà proposé sur les iPad Pro (mais avec des dalles IPS LCD).