Bruno Le Maire était l’invité ce matin d’une émission de RTL, et le Ministre de l’économie et des finances n’a pas hésité à tancer les « pratiques commerciales abusives » de deux membres éminents des GAFA, Google et Apple. Pour Bruno Le Maire, c’est bien simple, Apple et Google ont franchi la ligne rouge concernant la gestion de leurs boutiques applicatives, ce qui pourrait aboutir à des amendes particulièrement salées; « Je vais assigner Google et Apple au tribunal » affirme même le Ministre.

Mais que reproche donc le Ministre à l’App Store et à Google Play ? C’est là que les choses se corsent. Bruno Le Maire condamne d’abord la politique du « à prendre ou à laisser » qui fait que les développeurs doivent se plier aux règles d’entrée de l’App Store, ou bien partir voir ailleurs si l’herbe est plus verte. C’est tout à fait exact, mais l’on voit mal en quoi le fait d’imposer des règles spécifiques pour la validation d’apps enfreint des règles commerciales particulières, sauf à considérer dorénavant qu’un commerçant doive se plier totalement aux désidératas des producteurs de biens et de services. Les règles de l’App Store peuvent changer brutalement d’ailleurs, mais là encore, malgré le côté peu courtois de la pratique, l’illégalité de la chose semble peu évident.

Mais surtout, le Ministre Bruno Le Maire fait une confusion évidente entre la taxe « Apple » (et Google) prélevée sur chaque App téléchargée (quand celle-ci est payante bien sûr) et le fait de vendre son application à Apple/Google, ce qui n’est bien sûr absolument pas le cas. Les développeurs ne vendent rien aux deux géants : ces derniers proposent un « tuyau » et une plateforme de vente et de distribution d’apps, une plateforme dont la gestion et la maintenance sont financés par la fameuse taxe.

Enfin, le Ministre prétend qu’Apple et Google prélèvent systématiquement des données de l’utilisateur via les apps, en laissant entendre que ce prélèvement s’effectue sans l’accord explicite dudit utilisateur. Bien entendu, cette affirmation est fausse de bout en bout; toutes les apps ne prélèvent pas des données (si ce n’est les datas concernant le nombre et la fréquence des téléchargements par exemple, ou bien encore le type d’iPhone sur lequel l’app a été téléchargée), et lorsque cela est le cas, les règles de l’App Store prévoient que l’accord de l’utilisateur soit explicitement demandé; il en va de même évidemment pour les apps Apple ou Google (d’autant plus devrait-on dire… ). Bref, que l’Europe veuille lutter contre l’évasion fiscale « légalisée » des GAFA, c’est sans doute compréhensible, mais le fait qu’un ministre affiche une méconnaissance flagrante des règles de fonctionnement des boutiques applicatives n’est pas de nature à rassurer sur le bien fondé des décisions politiques prises à l’encontre des géants de la high-tech.