Durant une courte période hier, la capitalisation de Microsoft est passée devant celle d’Apple, ce qui a permis à la firme de Redmond de devenir furtivement la société numéro un en bourse. Nombre d’analystes ont alors entonné la chansonnette d’une passation de témoin entre Microsoft, la société qui serait parvenue à se diversifier, et Apple, le géant qui ne parviendrait pas à s’extirper de sa dépendance à l’iPhone. Ce nouveau « narrative » expliquerait en partie les tensions pesant aujourd’hui sur AAPL.

Ainsi, pour James Armstrong, le président de Henry H. Armstrong Associates, Microsoft disposerait de meilleures perspectives de croissance qu’Apple, grâce notamment à ses services de Cloud (Azure). Microsoft serait aussi particulièrement bien placé sur les services liés à l’IA ou à la réalité augmentée (HoloLens), ce qui lui assurerait une position de futur leader sur ces marchés clefs. Si la progression des revenus du Cloud est incontestable (+89% sur l’année fiscale 2018), en pourcentage, Azure ne représente même pas le tiers du chiffre d’affaires global. Windows et Office restent en effet les locomotives de Redmond tandis que les ventes de Surface représentent moins de 10% du CA annuel. Quant à la réalité augmentée, Microsoft est encore très loin du marché grand public puisque le casque HoloLens n’est pour l’instant proposé qu’au seul secteur pro, et à un tarif de 3000 dollars.

L’absence supposée de diversification d’Apple est une vieille rengaine déjà entendue à l’époque du Mac (avant l’iPod), de l’iPod (avant l’iPhone), puis de l’iPhone (avant l’Apple Watch et la croissance des services); et à chaque fois, les marchés financiers font comme si Apple n’avait pas déjà plusieurs fois changé de braquet ou de produit phare. L’explosion des investissements en R&D (plus de 14 milliards de dollars sur l’année fiscale 2018) ? Les analystes n’en tiennent pas compte, comme ils ne tiennent pas compte du fait qu’Apple ne communique pas sur ses projets avant que les produits ne soient prêts à être commercialisés, l’inverse en somme de ce qu’a fait Microsoft avec son prototype HoloLens. D’ailleurs, il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu’il se trame quelque chose du côté de la AR chez Apple, mais là encore, même le développement d’ARKit ou les déclarations répétées de Tim Cook ne semblent faire tilt dans la tête des investisseurs.

Si les revenus d’Apple reposent aux deux tiers sur l’iPhone, il n’en reste pas moins que Cupertino a déjà réussi sa diversification sur d’autres marchés; le californien est ainsi leader du marché de la tablette et de la montre connectée tandis que les revenus de la partie service (iTunes, App Store, Apple Music, Apple Pay) ont augmenté de plus de 30% sur un an. Sur le secteur du streaming musical, Apple est même parvenu à dépasser Spotify… aux Etats-Unis. Malgré ces réussites incontestables, la croissance rapide des services et les lourds investissements en R&D, nombre d’analystes continuent de raisonner et d’agir comme si Apple n’avait que l’iPhone à son catalogue et que le reste des activités ne représentait pas un CA supérieur à celui de nombre de géants de la tech. Du déjà entendu certes, mais l’on pouvait espérer qu’en 2018 on ne nous ressasse pas les mêmes éléments de langage que ceux des années 90 ou du début des années 2000.