Steve Jobs n’a jamais caché son admiration pour Akio Morita, le fondateur de Sony (décédé en 1999); cette admiration n’a pas seulement débouché sur l’une des collaborations les plus fructueuses de la high-tech; elle a aussi influencé toute la stratégie d’Apple lorsque Steve Jobs est revenu aux manettes de la société en 1997.  Ainsi, les Apple Store s’inspirent directement des boutiques SonyStyle, et l’ouverture d’Apple vers le secteur musical (iTunes, iPod) découle là encore de la volonté de Jobs de faire d’Apple le nouveau « Sony américain ». Le co-fondateur d’Apple souhaitait même que macOS puisse tourner sur les portables Vaio de Sony !

Dans l’esprit de Steven Paul Jobs, Apple ne devait pas limiter son cœur de métier à la fabrication d’ordinateurs, tant et si bien qu’après la révolution initiée par l’arrivée de l’iPhone et la transition d’Apple Computer Inc. vers Apple Inc., Jobs n’avait plus qu’une seule obsession : faire de Cupertino l’un des rois de la télévision du 21ème siècle. Jobs continuera d’imaginer des pistes de développement d’une télévision Apple pratiquement jusqu’à son dernier souffle, ainsi que le confirmera le biographe Walter Isaacson.

Steve Jobs faisait souvent mention de produits Sony dans les Keynotes; le co-fondateur d’Apple avait même rendu hommage à Akio Morita lors de la WWDC 99.

En annonçant ses nouveaux services Apple TV Channels, Apple TV+, Apple News+, Apple Arcade ainsi que la carte de crédit Apple Card, Apple semble bel et bien fermer la boucle qui en fait désormais l’équivalent d’un Sony… qui aurait réussi; car à contrario d’Apple qui devient une entreprise globale (depuis l’iPod et iTunes en fait), Sony recentre toute sa stratégie sur la PlayStation et la conception/fabrication de capteurs photographiques. L’échec total du japonais sur le marché mobile, le retard pris dans le secteur musical (face à iPod/iTunes d’abord, puis face à Spotify ensuite) et les difficultés sur la branche cinéma ont poussé Sony à devenir essentiellement un fabricant de consoles de jeux vidéo… tout au moins aux yeux du grand public.

Apple était déjà devenu une entreprise « globale » bien avant les annonces de la dernière Keynote; Apple Pay, iTunes, l’App Store, iCloud, Apple Music sont autant de services qui connaissent un grand succès, tandis que l’offre hardware s’étend de la conception des iPhone ou des processeurs Ax jusqu’aux secteurs du wearable (Apple Watch, AirPods, casques Beats), de la télévision (Apple TV HD) ou des enceintes musicales (HomePod). Et l’on oubliera pas dans cette longue liste le langage de programmation Swift ainsi que les plateformes de santé (HealthKit), de domotique (HomeKit), ou… d’automobile (CarPlay). La Keynote de mars pousse cette logique « globalisante » un gros cran plus loin : Apple TV+ permet au californien de concevoir ses propres contenus médias, Apple Arcade est le second véritable essai d’Apple dans le secteur du jeu vidéo (après l’échec tonitruant de la Pippin), et Apple Card renforce le poids d’Apple dans le secteur financier.

Toutes ces annonces n’auraient sans doute pas convaincu Steve Jobs: ce dernier détestait les jeux vidéo, qu’il considérait comme une perte de temps, et se méfiait comme de la peste du secteur financier ou bancaire, au point de refuser que les actionnaires Apple puissent percevoir des dividendes. Malgré tout, il y a de fortes chances que l’homme au col roulé noir soit dans l’ensemble très satisfait de voir Apple devenir une société « touche à tout » capable d’appuyer son offre de services sur une base installée de plus d’un milliard d’utilisateurs.