Apple et Qualcomm ont enterré la hache de guerre; finis donc les procès en série et place à la collaboration commerciale. Le patron de Qualcomm a refusé de préciser le montant de l’arrangement, déclarant que ce dernier resterait à jamais « secret »; peu importe pour les fins analystes d’UBS, qui ont dégainé leurs calculettes et estimé le coût de l’accord récemment signé entre les deux géants. Et pour la banque suisse, Apple est le grand perdant de l’accord : le californien paierait en effet à Qualcomm pas moins de 9 dollars… par iPhone ! En plus de ces frais de « royalties » (ou de licences), Cupertino aurait signé un chèque de 5 ou 6 milliards de dollars à Qualcomm, un montant qui avait été provisionné dans l’attente du verdict du grand procès pour abus de position dominante (un grand procès qui n’aura donc pas lieu).

Pourquoi de tels montants ? Selon le « scénario » d’UBS, Apple était acculé, sans aucune solution lui permettant de proposer un iPhone 5G en 2020. Dans ces conditions d’extrême urgence, Apple aurait totalement plié face aux exigences de Qualcomm. Cette version n’est pas celle du site d’information Nikkei (souvent bien renseigné), qui explique que les tractations entre Apple et Qualcomm ont débuté en fait il y a plusieurs semaines; Apple aurait moins été préoccupé par la capacité d’Intel à fournir des modems 5G en 2020 que par les performances de ces modems. La différence de perfs est d’ailleurs déjà assez nette entre les puces modem 4G de Qualcomm et d’Intel.

Selon la version du Nikkei (qui a le mérite de s’appuyer sur des sources), c’est donc avant tout parce qu’Apple et Qualcomm étaient en négociations qu’Intel a abandonné la partie sur la 5G, n’ayant plus de gros clients pour acheter ses puces modem; ce « narrative » est strictement l’inverse de celui d’UBS, qui estime de son côté qu’Apple a signé dans la précipitation parce qu’Intel venait d’abandonner le navire de la 5G. Une autre considération fait tout de même douter du point de vue d’UBS : lors du procès californien, Apple n’était pas seul en lice sur le banc des plaignants: les fournisseurs d’Apple (qui payent aussi des licences à Qualcomm) accusaient eux aussi Qualcomm de pratiques anticoncurrentielles.  Ces même fournisseurs auraient donc accepté sans broncher que le fondeur retourne à ses vieilles techniques tarifaires, des pratiques déjà condamnées par plusieurs régulateurs ? Cela semble tout de même peu probable.

Le plus logique finalement, c’est que tout le monde (ou presque) soit sorti gagnant de l’accord : Qualcomm bien sûr, dont le modèle économique n’est plus menacé par un énième procès pour abus de position dominante, et qui gardera Apple comme client de luxe, Apple ensuite, qui a sans doute eu droit à une ristourne sur les tarifs de licence et qui pourra équiper ses iPhone de 2020 avec des modems 5G réellement performants, et même Intel, qui a vraisemblablement été soulagé de ne plus avoir l’obligation contractuelle d’engouffrer des milliards de dollars dans une technologie qu’il ne maitrise pas (et pour le compte d’un seul gros client). Finalement, le seul perdant, si perdant il y a, ce sont peut-être les gros fabricants Android comme Huawei ou Samsung, qui ne pourront pas utiliser contre Apple l’argument technologique (et marketing) de la 5G. Et comme le smartphone pliable ne semble pas encore être le « sauveur » du marché mobile …