Battle Bay (Lien App Store – Gratuit – iPhone/iPad) est sorti depuis plusieurs mois maintenant, mais il faut bien tout ce temps pour évaluer les mécanismes de gameplay et surtout les techniques d’évolution et de progression de ce « MOBA sur l’eau » qui à première vue a tout pour plaire, soit des zones de jeu dynamiques (les vagues interviennent vraiment dans le gameplay), des bateaux spécialisés et complémentaires, des armes « fun », et enfin une bonne réalisation générale. Mais après plusieurs semaines à batailler avec des compagnons d’infortune, qu’en est-il vraiment ? Le résultat pourrait se résumer en deux mots : Touché – Coulé; explication d’un naufrage :

Une réalisation sans faille

Mes premières parties avec Battle Bay ont presque tenu de la révélation; le dernier-né de Rovio est un bon cran au dessus de la production habituelle du studio en terme de réalisation et surtout de profondeur générale de gameplay; le jeu consiste ici à piloter un bateau de combat (au choix entre le Shooter, le Speeder, l’Enforcer, le Defender et le Fixer) et à se lancer dans des joutes en 5 v 5 sur des arènes qui vont de la zone désaffectée post-nucléaire à la zone située en plein milieu de glaciers. Votre navire est particulièrement simple à prendre en main mais le jeu s’avère plus profond qu’il n’y parait une fois en combat : il est ainsi possible de viser à l' »aveugle » (un simple indicateur pointant votre cible) ou de viser avec plus de précision, voire même de « locker » une cible afin d’éviter les aléas de la visée automatique.

Un Gameplay au dessus de la ligne de flottaison

Outre la nature des bateaux, les armes et autres items sont un des éléments clefs de Battle Bay; chaque navire à d’ailleurs ses armes/items de prédilection : le Shooter privilégie les armes à moyenne/longue portée, le Defender les armes à longue portée tandis que le Speeder, taillé pour la vitesse et la maniabilité, peut tenter de se rapproche au plus près des navires adverses afin d’asséner des coups motels à faible portée; les Fixer quant à eux sont des navires « infirmiers » qui peuvent régénérer les points de vie des bateaux alliés (ou se régénérer eux-même). Tout cela est très bien pensé.

Le HUB classique de Battle Bay, avec les armes disponibles à droite de l’écran, le joystick virtuel pour les mouvements à gauche et celui pour la vise précise un peu décentré à droite. Ici le joueur a déjà dû dépenser beaucoup pour obtenir un tel niveau d’armes épiques. 

Chaque victoire dans Battle Bay rapporte entre 24 et 25 pts d’Infâmie, qui sont les marqueurs du niveau de votre bateau; mais attention bien sûr, car chaque défaite vous fait perdre aussi entre 24 et 25 pts. Les armes peuvent être « achetées » avec de l’or ou des perles dans la boutique du jeu, mais une seule fois pour chaque niveau d’arme (commun, peu ordinaire, rare, épique); les armes/items de niveau légendaire ne peuvent être obtenues qu’en combat ou via les fusions (nous verrons ce qu’il en est plus bas). Free-to-Play oblige, il est possible d’acheter des packs perles (la vraie monnaie du jeu) via des in-apps particulièrement couteux (à partir de 6 euros jusqu’à…plus de 100 euros !). Voilà donc pour la description générale.

Un matchmaking qui prend l’eau de toute part

Si les mécaniques de gameplay sont sans failles, il n’en va pas de même pour le matchmaking, c’est à dire la façon dont le jeu oppose des joueurs qui sont sensés être de même niveau. Dans la plupart des cas, rien d’anormal, les parties s’enchaînent contre des joueurs à peu près du même niveau d’armement, et ce même si le matchmaking ne prend en compte que le niveau d’Infâmie. Mais parfois, sans que l’on sache trop pourquoi (on le pressent un peu tout de même), vous perdez régulièrement entre 10 et 15 parties d’affilée contre des joueurs qui sont sensiblement d’un niveau d’armement global supérieur à celui de votre équipe (par exemple des armes rares de niveau 3 ou 4 face à un groupe avec une majorité d’armes de niveau 2); certes, il est en théorie possible de s’en sortir face à une équipe faible mais surarmée, mais plus on monte en Infâmie, et plus on tombe forcément sur des équipes expérimentées qui ne laissent pas de place à l’improvisation; l’expérience acquise en jeu ne permet alors plus de compenser un écart de points de dégâts qui peut aller de 600 à 1500 pts par salves (pour l’ensemble des 5 bateaux). Du reste, ces grandes descentes de 400 ou 600 points d’Infâmie sont l’un des sujets les plus repris sur les forums du jeu, ce qui prouve bien qu’il se passe ici quelque chose d’anormal.

Des tirages « fusion » qui défient les probabilités

A ce matchmaking qui « casse les reins » du joueur quand bon lui semble (matchmaking qui aurait du être basé sur la puissance des armes et non sur le niveau de points d’Infamie), il faut rajouter une gestion des coffres un peu plus qu’étrange; ainsi les apparitions de coffres ou « cadeaux » d’armes semblent bel et bien aléatoires durant le jeu, mais la gestion des fusions de composants (qui donnent naissance à une arme ou une évolution de bateau) ne semble pas rattachée aux règles probabilistes de base. Ainsi, après plus de 3200 parties (2600 navires adverses coulés), un navire de niveau 31 et près de 1700 pts d’Infâmie, je me retrouve toujours avec des armes de niveau rare II, et ce malgré 40 tirages de fusion de composants qui auraient pu me fournir une arme correspondant à l’une de celles déjà installées sur mon navire.

Les tirages « fusion » combinent des éléments (ici rouges) pour donner naissance à une arme…au hasard. Sur 40 tirages, je n’ai jamais obtenu aucune des 4 armes installées sur mon navire (1 chance sur 5 à chaque tirage); cela revient à lancer 40 fois un dés à 5 faces et à ne jamais tomber sur l’une des faces du dé. Rovio a t-il truqué les tirages pour pousser les joueurs à acheter des packs in-apps ?

Ces « tirages » d’armes étant nécessaires pour faire évoluer sa puissance de feu, je me retrouve donc « bloqué » avec des armes d’un niveau presque systématiquement plus faible que celui de mes adversaires. Avec 4 armes installées sur mon Shooter et 19 armes en tout et pour tout, j’ai pourtant 1 chance sur 5 de remporter la timbale, et après 40 tirages fusion, il apparait totalement improbable qu’aucune de mes armes ne soit sortie du tirage; pour se rendre compte du malaise il suffit de considérer que cela revient à lancer 40 fois un dés à 5 faces…et à ne jamais tomber sur l’une des faces après ces 40 tirages; la probabilité d’un tel évènement est, mathématiquement, extrêmement faible; proche du zéro pour ainsi dire.

La mécanique de la Rage

Le problème, c’est que sans évolution régulière des armes après pourtant des milliers de parties (et alors que je suis un joueur avec abonnement, soit 9 euros/mensuel), et dans un contexte où les séquences de parties contre des joueurs nettement plus forts s’enchainent, vous en venez vite à vous demandez si votre salut ne passe pas par l’achat de quelques packs de perles achetés à vils prix; et vu le ratio puissance d’armement/nombre de parties de beaucoup de mes adversaires, il semble que l’achat in-app a été l’option de choix d’un grand nombre de joueurs. Au prix des packs, et sans certitude d’obtenir les armes/items désirés, un calcul rapide permet de se rendre compte qu’il faut au bas mot lâcher quelques centaines d’euros pour obtenir un niveau d’arme suffisant pour être tranquille au moins quelques temps; un joueur blindé d’armes épiques ou légendaires de niveau 5 aura ainsi généralement « lâché » entre 10 000 et 20 000 euros pour parvenir à cet arsenal redoutable. En fait, c’est comme si les aspects free-to-play du jeu composaient une « mécanique de la rage » ne visant qu’à pousser le joueur à bout afin de l’obliger à sortir le porte monnaie, et ce même si le joueur paye déjà les 9 euros d’abonnement mensuels (plus de perles et plus d’or à chaque victoire); de ma vie de joueur, je n’avais encore jamais été confronté à un jeu vidéo employant autant de moyens « coercitifs » afin d’obliger le joueur à passer à la caisse, jusqu’à fausser les tirages fusion, pourtant nécessaires pour faire évoluer son armement.

Les frustrations ressenties dans Battle Bay ne sont pas compensées par l’adjonction d’un mode « partie amicale » ou de tournois sans pertes de points d’Infâmie, à contrario d’un Clash Royale qui n’a cessé de multiplier les modes  de jeu. Ici, tout se paye cash (dans tous les sens du terme), tout le temps. 

Conclusion : Touché-Coulé

Ces pratiques détestables, dont on ne rend compte qu’après de nombreuses parties, détruisent totalement les aspects positifs de Battle Bay; le jeu de Rovio dispose des mécaniques d’un grand MOBA mobile, mais ces point forts sont annihilés, atomisés même par un matchmaking erratique et des « tirages » plus que douteux. Aux premières parties, qui laissaient entrevoir l’un des jeux mobiles de l’année, succèdent ensuite les phases de jeu où, d’un coup d’un seul, toute cette mécanique « prédatrice » vous saute littéralement à la gorge. Il y a bien « quelque chose de pourri au Royaume de Danemark » ou plutôt ici, de Suède, et ce n’est pas à l’honneur d’un studio qui a fait en partie l’histoire du jeu mobile avec Angry Birds. Battle Bay aurait pu être un « grand petit MOBA » : au final, le jeu ressemble plus à un produit financier dont les éléments de gameplay « fonctionnent » comme des pièges destinés à emmener le joueur vers des packs de perles très onéreux. Décevant.

Note iPhoneAddict : 3/10