Quand les analystes ont-ils commencé à surnommer Apple la « société de l’iPhone »  ? C’est bien simple : lorsque le chiffre d’affaires de l’iPhone est devenu majoritaire dans le chiffre d’affaires global de la société, c’est à dire durant l’année 2012. Hier soir, Apple a publié des résultats qui entérinent une réalité qui était en devenir depuis plusieurs trimestres : Apple n’est plus la société de l’iPhone. Les revenus de l’iPhone ont atteint 25,986 milliards de dollars lors du Q3 fiscal, tandis que le chiffre d’affaires global culminait à 53,8 milliards. Pour la première fois depuis 7 ans donc, les revenus dégagés par l’iPhone ne sont plus majoritaires dans les comptes de la société. Il y a seulement trois ans, la part de l’iPhone représentait encore les 2/3 du CA.

Ce bouleversement dans les équilibres comptables s’accompagne d’un autre mini-séisme; car contrairement à ce qu’avaient annoncé les tenants de la ligne « Apple is Doomed » (et encore plus sans un iPhone dominant), la baisse sensible des ventes d’iPhone n’a eu qu’un impact limité sur les finances d’Apple; le Q3 2019 établit même un record en chiffres d’affaires; certes de peu (le Q3 2018 était déjà un record à plus de 53 milliards de dollars), mais les faits sont là. Le bénéfice souffre plus du trou d’air de l’iPhone, mais là encore, Apple s’en sort plutôt bien avec toujours plus de 10 milliards de profits par trimestre.

L’effondrement n’a donc pas eu lieu, et l’on mesure d’autant mieux la bonne fortune d’Apple qu’en face, Samsung a vu son bénéfice s’écrouler de 56% sous l’effet de la crise des semi-conducteurs; Samsung le « généraliste », souvent montré en référence pour ses nombreux pôles d’activités, n’a pourtant pas pu ou su compenser la baisse de l’une de ses principales divisions. Apple de son côté, et on le pressentait déjà lors de la publication des derniers trimestres, dispose de leviers de croissance qui permettent d’atténuer le passage à vide de l’iPhone. Les wearables explosent (AirPods, Apple Watch) et affichent une croissance de plus de 30% tandis que les services ont rapporté 11,52 milliards de dollars, un record !

Là encore, les pourcentages valent pour symboles : il y a seulement 4 ans, les services comptaient pour un quart des revenus de l’iPhone; l’an dernier, c’était le tiers ; lors du Q3 2019, le chiffre d’affaires cumulé de l’Apple Store, d’iTunes, d’iCloud, d’Apple Pay et de toute l’armada a pratiquement atteint la moitié des revenus de l’iPhone, et l’on peut parier sans risques que le lancement à la rentrée d’Apple Arcade, d’Apple TV+, d’Apple News+ et de l’Apple Card renforcera cette tendance.

Quoique l’on puisse penser de Tim Cook, de son apparent « conservatisme » et de son manque de vision, le CEO d’Apple a eu au moins raison sur un point, et pas des moindres : Apple n’est plus la société de l’iPhone. Certes, les bons résultats ne sont plus portés par un appareil phare et « disruptif », mais cela prouve justement qu’Apple n’avait pas forcément besoin d’une révolution hardware tous les 10 ans pour continuer à aligner les milliards. Une « normalisation » rassurante, à défaut d’être vraiment excitante.