Le Macintosh a 36 ans aujourd’hui, et l’on serait presque tenté de laisser tomber cet anniversaire tant Apple semble désormais avoir du mal avec le Mac, ou tout au moins avec ce que le Mac pouvait représenter à une certaine époque… et qu’il ne représente plus du tout. Ce 24 janvier 1984, Steve Jobs sort le Mac de sa pochette tout en déclarant sur le ton de l’humour qu’il ne faut jamais faire confiance à un ordinateur qu’on ne peut pas transporter, une pique directe aux gros mainframes d’IBM conçus pour les seuls professionnels. Peu avant cette journée historique, la fameuse publicité 1984 inonde les médias américains et annonce une machine « disruptive », capable de changer la face de l’informatique personnelle. C’était vrai.

Durant les jours qui suivirent la plus rock des assemblées générales d’actionnaires (avec même un morceau de Bob Dylan en introduction musicale !), Apple mit en branle une campagne de pub qui restera longtemps dans les mémoires. Plusieurs spots présentent alors certains des atouts du Mac (transportabilité, souris, interface graphique), avec à chaque fois le même slogan final : « Macintosh, The Computer for the rest of us » (trad: Macintosh, l’ordinateur pour tout le monde). Et c’était encore vrai, tant le Mac, encore plus que le Lisa (1983), incarnait une informatique personnelle qui n’était plus seulement destinée aux ingénieurs et autres petits génies de la Silicon Valley.

Tout ce qui était vrai pour le Mac en 84 – malgré les fausses polémique, comme l’antériorité du Star de Xerox, qui n’a jamais été une machine destinée au grand public, ou la souris, qui n’est pas une invention d’Apple mais qui a largement été démocratisée grâce au Mac -, les aspects disruptifs d’une machine qui annonçait l’avènement d’une informatique mondialisée et accessible « for the rest of us », tout cela n’est plus vrai aujourd’hui. PLUS DU TOUT.

Depuis quelques années en effet, et à force d’augmentations tarifaires de plus en plus délirantes, la gamme des Mac ressemble désormais à tous ces produits estampillés « luxe » et seulement destinés à la frange la plus aisée de la population… sans l’innovation qui va avec ces prix élevés. Au dernier CES, on a ainsi vu défiler des dizaines d’ultra books encore plus fins et plus puissants que les derniers MacBook Pro, parfois même blindés de petites innovations… mais toujours moins chers que les portables d’Apple. Et puis, un signe qui ne trompe pas : lors du dernier trimestre 2019, les ventes de Mac ont continué de baisser et ne représentent plus que 6 à 7% de l’ensemble des ventes d’ordinateurs dans le monde. Ce pourcentage est à peu de choses près celui du Mac de 84 peu après son lancement (6% de Pdm).

Le Macintosh avait pour excuse d’être sans doute un poil trop cher et presque trop novateur pour son époque (« à quoi cela peut-il bien servir ? » se demandait tout haut le « public cible »), mais la gamme Mac actuelle, immensément plus étendue, dans un monde où l’informatique personnelle est devenue presqu’aussi importante que l’air que l’on respire, n’a aucune justification sérieuse à opposer à ses contre-performances commerciales. Alors oui, le Macintosh a 36 ans aujourd’hui, mais cet anniversaire commence à nous faire vraiment un peu mal au coeur.