Rarement WWDC fut plus dense, aussi fournie en informations neuves, et d’une importance que l’on ne commence à mesurer qu’avec un peu de recul. Que s’est-il donc vraiment passé ce 2 juin 2014 ? Sans doute plus, énormément plus que ce que l’on serait tenté d’y voir au premier abord. En surface, OS X Yosemite et iOS 8 ont bénéficié de nouvelles fonctions, la plupart d’ailleurs héritées de propositions concurrentes : iCloud Drive n’est guère différent de la solution cloud de Microsoft, Quicktype ressemble à s’y méprendre aux claviers customisables du monde Android et l’on pourrait continuer ainsi pour la quasi totalité des « nouveautés » présentées lors de la conférence. Et pourtant, ce serait certainement une grossière erreur de s’arrêter à ces simples considérations de qui a fait quoi en premier avant d’inspirer l’autre. 

Un seul mot suffirait en fait à résumer l’ampleur de ce qu’Apple a réellement présenté : Continuity. Ce simple terme décrit l’ensemble des passerelles techniques qu’Apple a mis en oeuvre afin de relier de façon totalement transparente OS X à iOS; plutôt que de forcer les utilisateurs à rentrer dans un moule unique, comme ce que Microsoft a fait avec Windows 8, Apple a considéré que ce qui comptait n’était pas l’unification totale de l’interface (qui n’aura donc jamais lieu) mais la facilité avec laquelle les informations transitent d’un système mobile à un système desktop.

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Mais Apple a fait beaucoup plus que permettre l’envoi d’un SMS à partir de son Mac ou commencer l’écriture d’un mail sur iPhone pour la finir sur son iMac, ce qui en soi est déjà très bien; le gros plus de ces avancées est qu’elles sont aussi accessibles aux développeurs tiers, qui pourront dorénavant proposer des solutions transversales entre les deux OS sans compromission en terme d’interface et d’usages différenciés selon le support.

Cette ouverture aux développeurs tiers ne se limite pas aux API de Continuity, et concerne en fait chacune des briques du nouvel éco-système global qu’Apple vient de présenter. Ainsi, Homekit permettra aux sociétés Domotiques d’interfacer leurs accessoires avec l’iPhone et l’iPad, Touch ID pourra dorénavant servir de système d’identification ou de paiement pour les applications tierces, tandis que le clavier proposé en standard par Apple, le déjà fameux QuickType, sera demain remplaçable, y compris dans les applications système, par les solutions de Swiftkey ou d’autres. La même logique prévaut pour le très attendu iHealth, qui grâce au Healthkit pourra se synchroniser avec la plupart des bracelets connectés du marché, les Widgets, à placer dans l’écran de notif, ou bien encore CloudKit, qui ouvre les fonctions d’iCloud Drive à la sagacité des développeurs.

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Et ainsi en est-il encore de même pour PhotoKit, les APIs Camera, les actions customisables à placer dans le centre de notification, etc… Apple n’a pas fait qu’entrouvrir les portes de son royaume aux développeurs, il leur a donné les clefs, un sentiment renforcé par la présence de deux nouveaux outils pour la programmation de jeu, SceneKit pour la réalisation de titres en 3D, et surtout Metal, qui est en fait un super optimiseur de performances offrant aux studios dotés de moteurs graphiques plutôt lourds (Unreal Engine 4, Frosbite) la possibilité de porter leurs outils de rendus sur iOS en s’appuyant aux mieux sur les performances du A7 (et A8) 64 Bits et du GPU Rogue. Et pour parachever cette orgie d’outils et de kits de dev en tous genres, Apple a présenté Swift, un tout nouveau langage de programmation à la fois simple et puissant et qui devrait réussir à attirer vers lui quelques-uns des 9 millions de développeurs iOS. 

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En s’ouvrant ainsi comme jamais il ne l’a fait auparavant, et tout en respectant son mantra originel de l’ordinateur plug-and-use, Apple a peut-être trouvé sa pierre philosophale, qui allie des fonctions de base puissantes, simples, et transversales à iOS et OS X à la richesse et à la diversité applicative des développeurs tiers. Surtout, ce modèle beaucoup plus « ouvert » n’empêche pas la création d’un univers Apple toujours plus vaste (Domotique, Santé, CarPlay, gros effort vers le jeu) et en même temps toujours plus clos sur lui-même, et qui ne trouve sa pleine justification que si tous les appareils connectés entre eux sont des iBidules ou des Mac machins. Continuity n’est pas qu’une passerelle, c’est aussi la solution efficace et transparente qui rend tout environnement hétérogène (Mac + Android/ iOS + PC) beaucoup moins pertinent; de quoi certainement pousser à l’achat d’ iPhone, de Mac ou d’iPad, histoire de renforcer un peu plus un éco-système maintenant largement ouvert aux développeurs, mais de plus en plus fermé aux concurrents directs d’Apple.