A l’occasion de la sortie de son nouveau livre sur Google (« How Google Works« ), l’actuel président de Google, Eric Schmidt, a tenu aux micros de CNNMoney des propos très cassants sur son principal concurrent Apple. Interpellé à distance il y a quelques jours par Tim Cook sur la philosophie même du business-model de sa société (« si c’est gratuit c’est l’utilisateur le produit« ), Eric Schmidt a tenu à livrer ses vérités bien senties sur la qualité de la sécurité chez le numéro un mondial de la recherche internet : « Google a toujours été le leader en matière de sécurité et de chiffrement. Nos systèmes sont bien plus sécurisés et chiffrés que n’importe qui, y compris Apple« .

Et l’intéressé de considérer que Tim Cook ne s’est pas suffisamment renseigné sur le fonctionnement de Google avant de lancer ses piques. Soit.

Comme souvent, Eric Schmidt ne cesse d’impressionner par sa capacité à pouvoir dire les pires contre-vérités sans même hausser un sourcil de honte. Sur la question de la sécurité par exemple, Le Président de Google est pourtant extrêmement mal placé pour faire la leçon à Apple.
En effet, en ce moment même, le numéro un des services web envoie des courriers électroniques à près de 5 millions d’utilisateurs des services Google dont les noms et les mots de passes se sont retrouvés sur les listes de pirates Russes, des courriers leur demandant de modifier leur informations de compte pour plus de sécurité. 5 millions, c’est beaucoup, beaucoup plus que quelques centaines de photos volées sur les comptes de quelques dizaines de célébrités; mais qu’importe.

Eric Schmidt Google

Eric Schmidt, Président de Google

Schmidt sait qu’il peut ici « surfer » sur la tendance médiatique qui consiste à faire du moindre soucis chez Apple une montagne ( et transformer de véritables problèmes chez Google en simples bulles de savon). Et le pire, c’est que cette stratégie marche. Alors qu’Apple n’a jamais subi de « leak » massif des données de ses utilisateurs (à contrario de Google d’ailleurs, mais aussi de Microsoft, J.P Morgan, Sony, eBay et de bien d’autres), certains médias ont fini par se convaincre qu’il suffisait de répéter un mensonge pour que celui-ci devienne vrai (et Eric Schmidt également semble t-il).

Faut-il aussi rappeler que la quasi-totalité des études disponibles montrent que 98 à 99% des malwares du secteur mobile se trouvent sur Android ?

Mais le pire des mensonges énoncé, (car c’est bien d’un mensonge dont il s’agit), est de prétendre que Google serait à la pointe sur le chiffrement alors que l’annonce du cryptage intégral des données sous Android L s’est faite après la sortie d’iOS 8, qui améliore déjà considérablement de son côté le chiffrement de la base de données utilisateur, et ce pour près de 50% des possesseurs d’appareils iOS (selon les dernières stats de déploiement iOS 8). Quand on sait en plus qu’Android est soumis à une fragmentation importante, et que les mises à jour se déploient beaucoup moins rapidement que celles du système d’Apple, cela signifie que dans les faits, le chiffrement sous iOS 8 touchera sans doute près de 70 à 80% de la base installée globale d’iOS lorsque Android L commencera seulement à se répandre dans les terminaux compatibles.

parlement europeen

De nombreux pays Européens, dont la France et l’Allemagne, se posent des questions sur le traitement réel des données utilisateurs récupérées par Google

 Quant aux faussetés supposées des déclarations de Tim Cook, elle ne semblent plus si « fausses » si l’on s’en tient aux problèmes juridiques multiples de Google en Europe concernant le respect de la vie privée, l’information de l’utilisateur ou le fait de recouper des données de services hétérogènes sans préciser ce qui est réellement fait derrière en matière de traitement des données (sans parler des plaintes pour abus de position dominante sur le moteur de recherche ou le fait que Google renâcle à appliquer le droit à l’oubli qui est pourtant une contrainte légale). Il faudra aussi mettre un mouchoir sur les déclarations d’Edward Snowden, qui estime que la NSA partage son business-model avec Google, une manière de dire que le sniffage permanent et le recoupement forcené des données utilisateurs de la part de Google sert bien les intérêt de la NSA, qui n’aurait plus qu’à « récupérer » les données de Google si besoin. Concernant Apple, comment la NSA pourrait-elle prendre des données que la société à la pomme n’enregistre même pas ?

Ce n’est pas la première ni la dernière fois que le Président de Google sort de sa réserve pour défendre les intérêts de Google en véritable chevalier blanc de la firme; mais tout au moins serait-il bon que cette défense se fasse avec des arguments sensés.