L’information ne concerne pour l’instant que le marché anglais mais reste toutefois riche d’enseignements : selon la société d’analyse App Annie, le très bon jeu d’arcade Crossy Road (Lien App Store – Gratuit – iPhone/iPad) cumulerait plus de joueurs réellement actifs (donc qui ne se sont pas contentés de télécharger le jeu pour le laisser tomber au bout de quelques heures/jours) que des poids lourds comme Candy Crush Saga (Lien App Store – Gratuit – iPhone/iPad) ou bien encore Clash of Clans (Lien App Store – Gratuit – iPhone/iPad). Avec 70 millions de téléchargements, Crossy Road n’est plus vraiment le « petit nouveau » de l’App Store, et sa réussite prouve qu’il est possible pour un studio de gagner de l’argent, de fidéliser les joueurs, et tout cela en proposant un système freemium qui ne soit jamais bloquant ou pénalisant pour le joueur (les seules rentrées financières du studio Hipster Whale viennent de la pub et des achats in-apps de personnages supplémentaires – et absolument non nécessaires pour jouer).

Crossy road

Les chiffres révélés par App Annie prouvent aussi que le freemium à la Clash of Clans fidélise surtout une très faible minorité des joueurs qui ont téléchargé le titre; le même cas de figure s’était produit pour Real Racing 3 (jeu de course) téléchargé à plus de 60 millions d’exemplaires, mais qui ne possède même pas 2 millions de joueurs actifs, les autres joueurs ayant abandonné le jeu souvent par écoeurement du modèle économique mis en place. Contrairement à ce que l’on peut lire sur certains sites, qui justifient le freemium au nom de son succès populaire, il s’avère que le freemium est justement moins populaire que ne le laissent supposer les chiffres de téléchargement : le marché du « gratuit » est dominé par quelques titres (Candy Crush Saga, CoC) qui gagnent en fait énormément d’argent sur la base de quelques millions de joueurs (et on ne parle pas de dizaines de millions ici) qui sont prêts à dépenser beaucoup en in-apps afin de rester au top des classements et de continuer à jouer sans entraves. Paradoxalement, le principe du freemium est plutôt élitiste : beaucoup de téléchargements au départ, mais une faible proportion de joueurs actifs mais très dépensiers à l’arrivée, soit l’inverse du discours qu’on nous sert généralement pour expliquer (et souvent justifier) le « succès » d’un modèle qui est loin de profiter au plus grand nombre.

Candy Crush

Quelques jeux freemium échappent à cette constante (beaucoup de téléchargements pour peu de joueurs actifs), pour la simple et bonne raison que ces derniers sont réellement gratuits et ne bloquent pas artificiellement le joueur pour l’inciter à passer à la caisse. Qu’il s’agisse d’Heartstone ou de Crossy Road, les achats in-apps sont réellement optionnels; l’addiction du joueur n’est jamais freinée par une obligation de payer qui rebute l’immense majorité des joueurs (qui préfèreront laisser tomber le jeu plutôt que de devoir subir 30 minutes à 2 heures d’attente pour simplement avoir le droit de faire une nouvelle partie de quelques minutes). Les développeurs de Crossy Road expliquent d’ailleurs que la liberté qu’ils offrent au joueur (payer est vraiment optionnel) a comme conséquence de générer assez d’argent pour que le studio continue d’exister et de créer de nouveaux titres, mais dans des proportions bien moindres que les sommes colossales récoltées par King avec son Candy Crush. Le marché du freemium est donc en train de se recomposer autour de deux grands modèles, l’un qui respecte avant tout les joueurs (mais reste heureusement rentable) et l’autre qui semble surtout s’appuyer sur le secteur du jeu pour mettre en oeuvre des stratégies purement financières (même si cela se fait au détriment de la majorité des joueurs).