L‘iPad Pro est enfin disponible à la vente, et rarement Apple nous aura dévoilé un produit aussi abouti…sur le plan technique. La qualité de l’écran Retina, les quatre hauts parleurs intégrés, la puissance du processeur A9X qui place cette tablette quasiment au même niveau qu’un MacBook Pro Retina (Core i5) ou bien encore la rapidité et la précision du tracé avec le stylet Apple Pencil, tous les éléments matériels de cette tablette semblent avoir été choisis de façon à établir une nouvelle référence, ce qui au passage relativise grandement quelques exagérations sur l’air du « Apple ne sait plus faire de bon matos » entendues lors de la présentation du Surface Book de Microsoft.

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Un bijou technologique, MAIS…

Et pourtant, comme rarement là encore, la frustration et l’indécision face à ce bijou technologique dominent les esprits. Car toutes les immenses qualités techniques de cet iPad Pro semblent accentuer à la puissance mille l’inadéquation d’iOS à cette très grande tablette (et à l’iPad en général). Avec l’arrivée de l’iPad Pro, c’est un peu comme si d’un seul coup d’un seul on se rendait compte qu’iOS sur l’iPad, c’est avant tout l’OS de l’iPhone étiré sur la longueur, sans presqu’aucune adaptation spécifique à la plus grande taille de l’écran de l’iPad. Sur les 12 pouces de l’iPad Pro, iOS en devient presque une caricature de lui-même, comme si Apple avait émulé le système sur un appareil qui n’était pas fondamentalement destiné à l’accueillir.

iPad Pro Split View

iOS reste le système d’exploitation d’un smartphone

L’espace ridicule entre les icônes des apps, les box de notification minuscules, et cette interface, si simple sur l’iPhone, qui ici devient poussive et ne semble pas suivre les volontés de l’utilisateur : iOS n’est pas, n’est plus à sa place sur ce support, et même si l’on peut ne pas goûter aux tuiles Metro de Windows 10, aux moins faut-il  reconnaître à Microsoft le fait d’avoir prévu un OS réellement adapté (et adaptable) pour chaque support, ce qui, faut-il le rappeler avec une certaine ironie, était bien le mantra d’Apple au départ : une interface pour chaque type d’appareil. Sauf qu’Apple n’a pas suivi ce mantra pour l’iPad, et ce depuis les débuts de la tablette pommée. Les utilisateurs de l’iPad, les journalistes testeurs et les professionnels, ont toujours semblé attendre, avec une  certaine logique, des évolutions d’iOS afin que ce dernier prenne beaucoup mieux en compte les spécificités de l’iPad (spécificités qu’Apple semble avoir réduit à la dimension « tactile »). Mais rien n’est jamais venu, si l’on excepte le split d’écran pour l’affichage de deux applications côte à côte, fonction qui n’est autre d’ailleurs que la copie de l’une des fonctions phares de la Surface de Microsoft.

iPad Pro Clavier

Que de place perdue…

Interface : l’opportunité manquée de l’iPad

Pour autant, il serait sans doute vain et presqu’aussi ridicule de demander un transfert « tel que » des fonctions et de l’organisation de l’OS X « desktop » sur l’iPad. Plutôt que de choisir le système d’exploitation et l’interface d’un smartphone ou celui d’un ordinateur (non tactile), Apple aurait surtout dû suivre son fameux mantra « One Device, One OS« , et concevoir un OS réellement pensé pour la tablette, qui tienne compte des possibilités offertes par le grand écran, du tactile, et de la portabilité de la machine. S’il n’est pas absolument nécessaire d’avoir l’équivalent d’un Finder ou d’un gestionnaire de fichier, au moins Apple aurait-il du permettre à l’utilisateur de définir par lui-même certaines tâches plus complexes, à la façon d’un Automator ou d’apps dans le genre de l’excellent IF (Lien App Store – Gratuit – iPhone/iPad).

Pourquoi aussi ne pas enfin débloquer Siri de façon à ce que l’assistant virtuel puisse aussi réellement devenir une aide précieuse lors de l’usage quotidien de la tablette (ou dit autrement, qu’attend Apple pour s’inspirer un peu de Jarvis ?). La reconnaissance des gestures, inutiles avec le petit écran d’un iPhone, prendrait aussi du sens sur une tablette. Quant au stylet, sa réactivité pourrait être employée autrement que pour simplement servir de crayon de luxe aux artiste et designers. Et pourquoi finalement ne  pas mixer intelligemment tout cela pour obtenir enfin une interface « riche », qui fasse réellement de l’iPad un ordinateur 3.0 plutôt qu’un appareil artificiellement bridé par Apple pour ne pas empiéter sur les ventes (en croissance) du Mac ?

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Et si l’iPad était l’hybride « né » par définition ? 

Apple reste l’ennemi d’Apple

Tim Cook n’a pas cessé de le répéter : l’iPad est un appareil à part, pas un Mac; et certes, on n’utilise pas (encore) son iPad comme on utilise son Mac. Mais les études d’usage montrent aussi que ce que l’on fait au final de sa tablette ne diffère que de très peu de ce que l’on faisait (ou fait) avec un MacBook ou un PC (soit du mail, du surf, un peu de bureautique, des jeux et de la consommation média). Sauf qu’avec un iPad, ce n’est pas forcément l’envie de l’utiliser comme un Mac qui fait obstacle mais bien plutôt les possibilités de la tablette elle-même. Le manque de boutons Retour ou Effacement sur le Smart Keyboard de l’iPad Pro, l’absence de prise en compte des périphérique de type souris ou trackpad multi-points (alors même que Steve Jobs moquait le fait de devoir « toucher » un écran tactile à la verticale) donnent l’impression tenace qu’Apple veut contraindre les usages, à la fois par le choix d’un système d’exploitation sous-calibré pour le support et dans la conception d’accessoires qui au final dégradent l’expérience utilisateur. Ce rendez-vous manqué, ce manque d’ambition concernant le système d’exploitation de l’iPad, tout cela confirmera aux yeux de beaucoup que cet Apple surdominant n’a pas de plus farouche ennemi que lui-même. Encore faudrait-il que quelqu’un chez Apple en ait conscience…