Les chiffres sont tombés, et sans être mauvais, ils ne sont pas vraiment brillants pour Apple; lors du premier trimestre de cette année 2017, les ventes d‘iPhone ont culminé à 51 millions unités, soit grosso modo le même volume de ventes qu’en 2016; surtout, cette absence de croissance fait perdre à l’iPhone quasiment un point de parts de marché (-0,9 pts, à 13,5% de pdm) dans le contexte d’un marché mobile chinois de nouveau en ébullition et qui porte haut ses champions nationaux que sont Huawei, Oppo, Vivo ou bien encore Xiaomi.

Ce n’est pas la première fois qu’Apple descend à 13% de Pdm; l’iPhone a même flirté avec la barre des 12% l’an dernier, au plus fort de la chute des ventes du smartphone d’Apple. Et pourtant, nombre de médias entonnent à nouveau le petit air connu de la chute inéluctable d’iOS, qui ne pourrait que descendre mécaniquement sous la barre des 10% et deviendrait donc de facto le nouveau macOS face au Windows-Android surdominant. Là encore, air connu, avec parfois en sus quelques couplets remplis de sombres prophéties sur le risque de ‘fuite’ de développeurs peu enclins à programmer pour une plateforme aussi marginalisée.

Mais la réalité, loin des fantasmes de revival de l’antique guerre Apple-Microsoft sous une autre forme, est à des encablures de ces visions de cauchemar; en fait, le secteur mobile dans son ensemble ne correspond pas à l’interprétation qu’en donnent certains éditorialistes. Tout d’abord, la part de marché d’Android n’est pas étale au plan mondial et les disparités sont encore très grandes selon les secteurs géographiques; si Android émarge bien à plus de 80% de pdm dans le monde, iOS lui résiste nettement plus sur les marchés qui « comptent »; aux Etats-Unis, les ventes d’iPhone atteignent 40%, en Angleterre et en Australie, elles dépassent désormais les 35%, au Japon, un smartphone sur deux est un iPhone, et même en France, l’iPhone atteint désormais près de 25% de Pdm. Dans ce contexte, regarder la seule part de marché mondiale sans tenir compte du poids très important d’iOS dans ces pays clefs n’a pas beaucoup de sens en soi.

Le risque de « fuite » des développeurs est encore plus limité par un facteur strictement économique. En effet, l’App Store enregistre encore aujourd’hui 2 fois plus de revenus que le Google Play Store et là aussi, la part de marché d’Android semble n’avoir aucun impact sur cette donnée forcément de première importance pour les développeurs.

iOS, c’est aussi (et avant tout?) un éco-système d’apps et de contenus qui rapporte beaucoup aux développeurs et distributeurs de contenus 

Mais surtout, ce discours bien rodé sur le retour du même autour de la part de marché d’iOS semble oublier à peu de frais une donné simple : la fameuse PDM ne reflète que les ventes de mobiles à instant T, pas la base installée des utilisateurs actifs, qui elle détermine réellement le rapport des forces en présence. Et lorsqu’on tient réellement compte des utilisateurs actifs par plate-forme, le paysage mobile semble radicalement se transformer.

Ainsi, Sundar Pichai, CEO de Google, a annoncé fièrement lors de la Google I/O qu’un peu plus 2 milliards d’appareils Android étaient utilisés partout dans le monde (un score qui inclut  aussi les tablettes ou les Box TV sous Android). 2 milliards c’est en effet beaucoup, énorme même, mais ce n’est clairement pas suffisant pour marginaliser iOS; car à ce titre, Apple avait de son côté confirmé lors du premier trimestre 2016 le chiffre d’un  milliard d’appareils iOS « actifs ». Et depuis cette annonce, il ne fait guère de doute qu’iOS a du encore gagner quelques dizaines de millions d’utilisateurs supplémentaires. Les comptes sont rapidement faits : la base installée d’iOS représente un peu plus de la moitié de la base installée Android, soit entre 33 et 37% environ du marché mobile (la Pdm de Windows mobile étant désormais négligeable). On est loin, très loin des 13,5% d’iOS du premier trimestre, et surtout ce rapport de force réel ne peut être sérieusement comparé à la guerre PC-Mac, car en 1997, soit au moment du retour de Jobs chez Apple, la base installée du Mac était évaluée à quelques dizaines de millions de machines dans le monde, celle du PC à quelques centaines de millions; le discours sur la part de marché d’iOS est un mythe.