Luca Maestri, le Directeur financier d’Apple, doit s’arracher le peu de cheveux qui lui reste. Le brillant comptable savait-il qu’en acceptant son poste chez Apple il allait se retrouver confronté à des investisseurs pour qui rien n’est jamais assez bon ?

Car les résultats du Q3 fiscal 2015 n’ont pas vraiment emballé les investisseurs, c’est le moins que l’on puisse dire; le cours de l’action AAPL a plongé de près de 8% dans les minutes qui ont suivi la publication des résultats, ce qui laisse songeur quand on repense à la litanie de chiffres exceptionnels communiqués par la société; presque 50 milliards de dollars de CA, presque 11 milliards de bénéfices (dans le trimestre le plus « creux » de l’année s’il vous plait), des ventes d’iPhone en croissance de 35%, un bénéfice en explosion de 40%, des ventes d’iPad en baisse de 18% certes, mais loin de nombreuses prévisions beaucoup plus négatives encore (entre 8 et 9 millions d’unités estimées), des ventes de Mac en croissance de 17% et des ventes d’Apple Watch qui ont tout de même permis à la catégorie de produits « Autres » de progresser de 49% et de presque 1 milliard de revenus supplémentaires.

De tels chiffres, aucune autre société de technologie, même pas Google, ne peut se targuer d’en afficher. Et pourtant le cours de l’action AAPL a chuté dans des proportions équivalentes à ce qui se passe généralement lors d’un krach boursier.

APPLE, PLUS GROSSE CAPITALISATION BOURSIÈRE DE TOUS LES TEMPS

Certes, les investisseurs s’expliquent, ou du moins essayent-ils. Ainsi peut-on lire au détour d’un forum financier que les investisseurs craindraient les résultats à venir à cause du ralentissement de l’économie chinoise. Mais si l’on devait craindre vis à vis d’Apple le moindre ralentissement du marché, comment expliquer que la société à la pomme soit celle qui s’en soit sortie le mieux (et de loin) depuis les débuts de la grande crise des subprimes de 2007 ? L’échelle de l’impact de cette crise a pourtant été sans commune mesure avec le ralentissement (pas l’arrêt) de la croissance chinoise, et pourtant, Apple a explosé ses chiffres comptables à partir de cette période alors même que la plupart des analystes, déjà, prévoyaient des lendemains qui déchantent.

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Pour l’année fiscale 2015, les ventes d’iPhone ont déjà atteint 183 millions en 9 mois

Autre explication à cette « déception » massive, les chiffres de ventes de l’iPhone. Faut-il rappeler ici que les investisseurs ont fixé eux même des prévisions de ventes sans aucune information de la part d’Apple. Faire 48 millions de ventes au lieu de 50, ou 35% de croissance au lieu de 37%, sur le fond, vraiment, la belle affaire !
Est-ce que cela reflète un ralentissement de l’intérêt pour l’iPhone ? Bien sûr que non puisque la croissance est de 35%, très au dessus de celle de l’industrie (ce qui signifie aussi qu’Apple gagne de la part de marché au passage). Samsung n’a pas autant été pénalisé pour des scores de ventes du Galaxy S6 équivalents à ceux du… S4. Apple explose de son côté les ventes de 35%, et là c’est un signe négatif ! Cela n’a aucun sens…

Luca Maestri

Luca Maestri, Directeur financier d’Apple

Reste une dernière tentative d’explication, le score estimé des ventes d’Apple Watch. Que dire ici, entre ceux qui s’étonnent qu’Apple n’annonce pas de chiffres (et donc, forcément, parce que ceux-ci seraient mauvais) alors même que depuis le début Tim Cook avait bien prévenu que le score de l’Apple Watch serait cumulé aux ventes des produits de la catégorie « autres » chez Apple (soit l’Apple TV et les accessoires) et ceux qui ont continué de balancer des estimations fantaisistes, sans considérer le fait qu’Apple, bon prince, a vraiment donné de sérieux indices durant la séquence de questions-réponses d’après-conférence. Quand Luca Maestri explique de façon claire que ce trimestre de lancement de l’Apple Watch a fait mieux que l’iPhone et l’iPad, pourquoi continuer de gloser sur 2 millions de ventes (voire moins), alors même que les ventes d’iPad s’étaient montées à 3 millions sur les trois premiers mois. On devrait donc, à moins de mettre en doute la parole du directeur financier de la première capitalisation mondiale, comprendre que l’Apple Watch s’est vendue au moins à 3 millions d’exemplaires, et même sans doute plus.

Apple a beau cumuler les milliards et avoir maintenant une Pdm à deux chiffres, être en tête ou au pire second sur nombre de marchés (smartphone, tablette, montre connectée, vente de médias en ligne, bientôt streaming ?), les réactions de vierge effarouchée se multiplient comme si le moindre manquement à une prévision (même si cela s’accompagne d’une croissance monumentale) devait obligatoirement prendre des proportions hors de tout contrôle. Rétrospectivement, on peut comprendre que l’animal à sang froid qu’était Steve Jobs se soit méfié à ce point de ces âmes trop sensibles…