C’était un refrain connu sur les forums. A chaque fois qu’untel faisait remarquer qu’Apple ne vivait pas des données de ses utilisateurs, que celles-ci soient exploitées par un tiers (comme le précise la CLUF des services de Google) ou plus indirectement encore, il s’en trouvait toujours un autre pour « retoquer » d’un air bravache : « Tatatatata ! Apple fait pareil; car il y a iAd !« . Peu importe que plus de 90% des revenus de Google proviennent de la pub ou de son exploitation, peu importe que le modèle économique d’Apple ne repose pas sur l’exploitation, même indirecte, des « données d’usage » de ses utilisateurs, Apple FAISAIT au final comme son principal concurrent, même si cela ne rapportait qu’un quart de point de pourcentage des revenus globaux de la firme.

iAd Logo

L’échec d’iAd est avant tout celui d’une régie premium, avec des règles garantissant la confidentialité des données utilisateurs 

Avec iAd pourtant, Apple lançait avant tout un pari : que les annonceurs passent par une régie premium, nettement moins invasive pour l’utilisateur (pas de fenêtres pop-up surgissantes) et dont le tracking de données était nettement plus limité qu’avec d’autres régies classiques. La formule, forcément propriétaire (puisqu’il fallait changer la donne) obligeait cependant les annonceurs à s’adapter pour une plateforme spécifique alors que d’autres régies arrosaient en une passe toutes les plateformes du marché (iOS, Android, Windows Mobile …). Apple désirait moins gagner des revenus importants avec iAd que promouvoir un iOS avec un autre modèle publicitaire. Ce pari donc, a été perdu, et la régie d’Apple fermera ses portes à la fin juin.

Tim Cook Keynote Mars 2015

Tim Cook ne manque jamais une occasion de tacler le modèle économique de Google

L’échec d’iAd, qu’Apple semble assumer sans trop de peine étant donné les revenus générés extrêmement faibles, aura pourtant une conséquence très positive pour le californien : le discours d’Apple sur la confidentialité des données de ses utilisateurs – et sur la sécurité d’une plateforme que certains  gouvernements souhaiteraient même affaiblir – va se retrouver considérablement renforcé. Soyons clair, la critique acerbe de la défense de la confidentialité d’Apple, basée sur la seule présence d’iAd, tenait clairement du troll au vu des arguments utilisés, mais elle faisait souvent mouche car son côté direct et sans ambages (« tous PAREILS! « ) était à même de convaincre l’utilisateur peu renseigné, soit beaucoup de monde au final : Apple et Google nous disait-on, c’était finalement blanc-bonnet et bonnet blanc concernant le respect de la vie privée !

Ce n’est pourtant pas faute pour Apple de communiquer abondamment sur son respect de la confidentialité des données, jusque sur son site : « Notre business model est très simple : nous vendons d’excellents produits. Nous n’établissons pas de profil en fonction du contenu de vos e‑mails et de vos habitudes de navigation pour le vendre à des publicitaires. Nous ne « monnayons » pas les données que vous stockez sur votre iPhone ou sur iCloud. Et nous ne lisons pas vos e‑mails ni vos messages afin de recueillir des informations pour vous vendre des produits. Nos logiciels et services sont conçus pour améliorer nos appareils. Rien de plus. »

google-vie-privee-1

Comme à chaque fois, la mise en avant chez Apple des principes sous-jacents à ce respect des données individuelles cache un tacle sévère à l’encontre de Google et de son modèle économique. Mais jusqu’ici il y avait iAd, et Apple avait beau être clair sur le sujet – « iAd respecte le même Engagement de confidentialité que tous les autres produits Apple. Il ne collecte pas de données de Santé, HomeKit, Plans, Siri, iMessage, ni de l’historique de vos appels ou de tout service iCloud comme Contacts ou Mail, et vous pouvez toujours complètement vous désengager » – la seule existence de cette régie était la flèche dans le talon d’Achille du discours bien rôdé d’Apple. Apple va donc à nouveau pouvoir se positionner comme la figure quasi inversée d’un Google, une thématique qu’elle exploite comme un mantra en ces temps de terrorisme mondialisé et d’informatique post-Snowden, une époque fortement marquée par les coups de boutoir des grandes firmes et des gouvernements contre le respect de la vie privée numérique.