La suppression par Apple d’ICEBlock, une application de signalement des agents de l’immigration (ICE) aux États-Unis,  provoque une réaction inhabituelle : deux anciens responsables du fabricant d’iPhone interpellent publiquement Tim Cook sur l’abandon des valeurs historiques de l’entreprise.

ICEBlock Application

Le retrait d’ICEBlock sur l’App Store dérange

Wiley Hodges, fort de plus de deux décennies passées chez Apple, exprime sa « profonde consternation » suite au retrait sur l’App Store de l’application ICEBlock. Cet ancien directeur marketing et gestion de produits, artisan du lancement de Xcode et de Swift, affirme dans sa lettre adressée à Tim Cook avoir longtemps défendu Apple comme « incontestablement du côté du bien ». Aujourd’hui, il reconnaît devoir « remettre en question cette conviction ».

Alex Horovitz, qui supervisait auparavant les systèmes de fabrication et les infrastructures chez Apple, rejoint cette contestation avec sa propre lettre. Pour lui, Apple dépasse le simple statut d’entreprise : « une institution culturelle bâtie sur le courage et les principes ». Chaque capitulation silencieuse face aux demandes politiques « renforce ceux qui cherchent à centraliser le pouvoir et affaiblir les libertés que l’entreprise défendait autrefois », dénonce-t-il.

L’administration Trump est derrière le retrait

La semaine dernière, Apple a retiré ICEBlock ainsi que d’autres applications similaires permettant de repérer les agents de l’immigration. Cette décision intervient après l’intervention de Pam Bondi, procureure générale des États-Unis, qui affirme que l’application ICEBlock « est conçue pour mettre en danger les agents de l’ICE qui accomplissent simplement leur travail ».

Pour sa part, Wiley Hodges établit un parallèle avec la fusillade de San Bernardino, épisode où Apple avait refusé de déverrouiller l’iPhone d’un suspect. Cet événement avait marqué un tournant pour les observateurs sceptiques quant aux pratiques de confidentialité d’Apple. « Cet acte de défi légitime face à l’intimidation gouvernementale avait aidé à convaincre que les actions d’Apple s’alignaient avec ses idéaux affichés », rappelle-t-il.

La suppression d’ICEBlock « dilapide cette même confiance », estime désormais l’ancien cadre. Il souligne que cette décision contredit les principes clés d’Apple stipulant l’engagement envers une société ouverte, même lorsque l’entreprise désapprouve les lois d’un pays.

« Le retrait d’ICEBlock sans preuve que le gouvernement ait fourni une base légale à cette demande ou suivi un processus juridique pour obtenir sa suppression représente une érosion de cette position de principe », déplore Wiley Hodges.

Les deux anciens responsables réclament des éclaircissements : pourquoi Apple a-t-il cédé ? Les exigences gouvernementales reposaient-elles sur un fondement légal ? Wiley Hodges conclut en espérant que Tim Cook « reconnaisse comment chaque centimètre volontairement concédé à un régime autoritaire ajoute à leur pouvoir illégitime ». Selon lui, « il incombe à tous d’exiger que l’État de droit, plutôt que les caprices d’une poignée d’individus — même élus — gouverne notre entreprise collective ».