Ralph Nader a l’étiquette , plutôt rare aux Etats-Unis, d’un pur homme de gauche (pas social démocrate; vraiment à gauche). Avocat de formation, 5 fois candidat à la présidentielle américaine, homme d’affaire avisé, Nader, au contraire de Carl Icahn, utilise ses fonds propres pour servir les causes qu’il croit juste (et les causes ne manquent pas de nos jours). Cette fois, le célèbre avocat a publié une lettre ouverte dans laquelle il demande instamment à Tim Cook (et donc Apple) de faire un effort pour améliorer le sort des ouvriers de ses fournisseurs chinois.

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Dans des accents très « Fordiens » (et encore plus rares de nos jours…), Nader estime que si Apple fait les efforts nécessaires, « les travailleurs dans les usines chinoises d’Apple pourraient être finalement capables d’acheter l’iPhone qu’ils fabriquent« , un propos qui semble un brin utopiste aujourd’hui, mais qui, s’il se réalisait, aurait le mérite de gommer le cynisme involontaire d’un Tim Cook multi-millionnaire posant il y a quelques jours aux cotés d’une jeune salariée chinoise de Foxconn tout sourire. Mais l’iPhone que cette jeune femme tenait dans ses mains ne sera jamais pour elle.

Nader voit grand et pense qu’Apple est capable de quasiment doubler le niveau actuel des salaires chez les fournisseurs et pourrait consacrer un peu plus d’un milliard (une paille) à cette noble tâche. Et de questionner sur la bonne utilisation des 130 milliards de dollars du trésor de guerre de Cupertino : « des salaires décents pour les travailleurs ou le rachat d’actions pour des milliardaires ?« .

Toute de bonne volonté et humaniste qu’elle soit, la proposition de Nader risquerait de buter de toute façon sur un obstacle de taille : les salariés dont il est question ne sont pas ceux d’Apple mais de Foxconn, et Foxconn, tout comme Apple, génère un chiffre d’affaire et des bénéfices qu’il effectue lui aussi en quelque sorte sur le dos de ses propres salariés. Il ne s’agit donc pas ici de seulement rajouter 10 euros au prix d’un iPhone, ce qui permettrait de doubler le salaire unitaire d’un seul ouvrier chinois (si toute cette somme était allouée à cela), mais aussi de convaincre Foxconn que sa propre logique de recherche de profits massifs n’est pas la bonne.

Autant Apple peut faire plier Foxconn sur les conditions de travail, l’arrêt des abus les plus manifestes, l’utilisation de produits dangereux, etc… (et cela s’est du reste déjà produit), autant on voit mal par quel miracle un Apple qui serait prêt à perdre un peu de sa marge pour l’amélioration de la vie des ouvriers chinois parviendrait à convaincre son principal fournisseur qu’il faudrait qu’il coupe son bénéfice en deux. A l’impossible, nul n’est tenu.