La séparation de l’église et de l’Etat (ou des religions et de l’Etat) n’est pas une chose acquise aux Etats-Unis; certains Etats, dont dernièrement celui de l’Indiana, ont voté une loi sur la « Liberté religieuse » (Religious Freedom Restoration Act – ou RFRA)  qui propulse en fait les règles religieuses dans l’espace public puisque celle-ci permet par exemple à un employeur de refuser d’embaucher un candidat parce qu’il est gay et que cela heurte ses convictions religieuses. Vu de Californie, et bien évidemment de Tim Cook, seul CEO du Fortune 500 à avoir osé faire son coming-out, ce type de loi apparaît fortement rétrograde, et sert surtout à masquer des discriminations fortes à l’encontre de certaines minorités sous prétexte de liberté religieuse.

Le patron d’Apple avait d’abord réagit au vote de l’Indiana par une série de tweets désapprobateurs, le numéro 1 d’Apple n’étant d’ailleurs pas le seul à ruer dans les brancards, comme on peut s’en douter; des acteurs américains, des journalistes, des personnalités publiques et d’autres CEO de grands groupes avaient eux aussi montré leur désapprobation, à l’instar de SalesForce, qui a décidé de geler tous ses investissements dans les Etats qui appliqueront de telles lois ou bien encore de Yelp, qui a pris la même décision. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces lois permettent par exemple à une entreprise de refuser de fournir des services donnés à une certaine catégorie de personne pour conviction religieuse de ses dirigeants (et il parait plus qu’évident que la communauté LGBT est visée en premier chef). On imagine une restaurateur refusant d’apporter son café crème à un client gay parce que l’homosexualité est condamnée dans la Bible…tout un programme.

th_RFRA1

Beaucoup rappellent aux Etats-Unis qu’il y a déjà eu un précédent de lois discriminantes, et fondées par la croyance religieuse : les lois de ségrégation raciale datant d’il y a moins d’un siècle maintenant, des lois qui dans les faits avaient abouti à faire des noirs-américains une sous-catégorie de citoyens quand il ne s’agissait pas clairement d’établir une sous-catégorie d’homme.

Entant donné que près de la moitié des Etats américains sont en train d’examiner de telles lois, sous la poussée d’un retour du religieux et d’une forme de conservatisme social, nombre d’entreprises s’inquiètent de l’impact de telles mesures sur l’emploi mais aussi bien sûr de l’image très négative sur la scène internationale qui pourrait être donnée par des sociétés pratiquant ouvertement la discrimination religieuse, au nom même de la liberté religieuse.

Tim Cook

Tim Cook rappelle qu’il a été baptisé dans une Eglise Baptiste, et que sa foi joue un grand rôle dans sa vie quotidienne (aux Etats Unis seul 3% de la population se déclare non-croyante) : le débat n’est donc pas ici entre croyants et athées mais bien entre croyants libéraux et certains ultra-conservateurs aussi considérés comme des fondamentalistes religieux.

« Notre message, aux gens dans le pays et autour du monde, est celui-ci : Apple est ouvert, ouvert à tous les individus, sans considération de l’endroit d’où ils viennent, de leur façon de s’habiller, ou de qui ils aiment » déclare Tim Cook dans les colonnes du Washington Post, rajoutant que ces nouvelles lois sont « dangereuses » . En 2015, aux Etats-Unis, un étrange débat politique surgi du fond des âges est en train de secouer la population, les politiques et les grands leaders du pays, un débat qui paraît particulièrement daté du point de vue de l’Europe