Le monde d’Apple n’est pas tout blanc, n’en déplaise au PVC des MacBook de Cupertino. En témoigne cette petite réplique sismique concernant des risques sanitaires soulignés dans une lettre écrite par des des employés chinois du constructeur Wintek et envoyée à Steve Jobs, CEO d’Apple. La dite « lettre » a pour but « d’alerter » sur les risques pesant sur la santé des employés de l’usine de la zone industrielle de Suzhou ayant pour charge de fabriquer des écrans pour iPad.


Les employés de Wintek ont utilisé pendant une année (entre mai 2008 et août 2009) de l’hexyl hydride, également appelé n-hexane, pour nettoyer les écrans des iDevices produits dans leurs usines. Ce produit qui est interdit en Europe et aux États-Unis en raison de son caractère cancérigène, n’est aujourd’hui plus utilisé en Chine. Pour autant, les employés de l’usine affirment que leur santé en a été affectée durablement. Rappelez-vous, en 2009, 62 ouvriers travaillant pour le sous-traitant d’Apple avaient été intoxiqués au n-hexane. Quatre en seraient morts. Wintek avait alors payé le silence de la famille d’un des employés, dont le décès serait lié à ce produit, 268,000 yuan. Aujourd’hui, si le n-hexane a été remplacé par de l’alcool, les conséquences à long terme de son remplaçant ne sont a priori pas beaucoup plus glorieuses.

Concernant le n-hexane, les auteurs de la lettre expliquent que « c’est un poison mortel ». En effet, chacun peut consulter sur Internet la fiche des propriétés chimique du n-hexane et constater que ce dernier est identifié par le système international d’étiquetage des matière dangereuses comme « SGH08 : sensibilisant, mutagène, cancérigène et reprotoxique ». Les symptômes d’une intoxication au n-hexane vont d’une transpiration excessive à des douleurs répétées aux mains et aux pieds ainsi qu’une perte de contrôle des doigts (plutôt fâcheux pour un utilisateur d’iPhone ou d’Ipad, monsieur Jobs) et une fatigue permanente. En d’autre termes, ce produit peut causer, comme le souligne le courrier, des dégâts neurologiques à long terme nécessitant des soins à vie. Des soins à vie que les employés « ne pourront se permettre » expliquent les salariés dans leur courrier.

Apple, qui a publié des résultats records en janvier 2011, n’a pas souhaité commenter cette lettre, expliquant que son rapport sur les conditions de travail de ses sous-traitants détaillait les mesures prises.

Les conditions de travail chez les sous-traitants asiatiques d’Apple, mais aussi loin s’en faut, dans d’autres entreprises de produits high-tech, font l’objet de vives critiques, notamment depuis la vague de suicides qui avait touché la gigantesque usine Foxconn à Shenzen. Qualifiée un temps d’usine « plutôt sympa » par Steve Jobs (« pretty nice » dans le texte), la direction de la communication avait bien eu du mal à s’expliquer lorsque que 11 salariés sous pression dans cette « ville usine » de 400 000 employés (qui produit entre autre l’iPad), s’étaient donnés la mort en 2010. Le patron d’Apple avait estimé à l’époque que ce ne n’étaient pas les conditions de travail qui poussaient certains ouvriers à se suicider, mais plutôt le fait que « les jeunes gens qui quittent leur provinces rurales pour trouver un emploi chez Foxconn, où les usines constituent des villes en soi, peuvent avoir du mal à s’ajuster à leur nouvel environnement et souffrir de l’éloignement de leurs familles et amis ». Une analyse qui sans être totalement fausse, est pour le moins complètement réductrice.

Mieux encore, le patron d’Apple avait estimé que la ville-usine Foxconn était un lieu accueillant.

« Quand on va sur place, c’est une usine, mais quand même, ils ont des restaurants, des cinémas et des hôpitaux et des piscines. Pour une usine, c’est plutôt sympathique« .

Il y a effectivement beaucoup d’équipements dans ces usines de la taille d’une ville comme Toulouse. Mais qu’on ne joue pas les dupes : personne ne les utilise, les ouvriers étant la plupart du temps lessivés après leur journée de labeur (12 heures par jour, six jours par semaine, pour 105 dollars par mois).

Face au scandale, la direction de Foxconn avait décidé à l’époque une augmentation des salaires de 30% en moyenne (mais les ouvriers devait s’engager par écrit à ne jamais mettre fin à leurs jours…). Ahurissant.

Foxconn n’est pas un cas isolé : l’audit annuel réalisé par Apple auprès de ses sous-traitants montre que le cahier des charges social de la marque n’est « globalement » pas respecté. Le travail des mineurs, par exemple, est en augmentation : sur les cent vingt-sept ateliers inspectés, les inspecteurs ont relevé quarante-neuf cas dans neuf usines. Apple affirme avoir mis fin à son contrat avec l’une d’elles. Une fin de contrat pour la forme.

Sources | Reuters, ZDnet.fr & Wikipedia