Huawei, troisième fabricant mondial de smartphone si l’on en croit IDC, a dévoilé il y a quelques semaines l’Ascend P8, un mobile qui se veut haut de gamme tout en proposant un tarif bien deçà des iPhone 6 et Galaxy S6. Les premiers tests sont tombés, qui globalement sont positifs, mais l’on s’étonne quand même que pas un média (ou presque) ne parle de la filiation (pourtant plus qu’évidente) du design de l’appareil, encore plus emprunté au dernier iPhone que ne peut l’être le S6 de Samsung.

Huawei Ascend P8

La tranche, le métal poli, les ouvertures pour les HP…tout rappelle l’iPhone 6

Même tranche « ronde » et polie, mêmes emplacements pour les bandes de l’antenne extérieure, mêmes ouvertures pour les HP, même design « à plat ». Le silence de la plupart des médias sur cette « inspiration » plus que visible donne en fait le sentiment que la multiplication des copies de design de l’iPhone a fini par fatiguer ou habituer l’oeil, pire, que tout cela est banal et donc finalement totalement acceptable. Le degré de copie importe somme toute assez peu, et l’on pressent bien que le P8 aurait pu se rapprocher encore plus franchement du design de l’iPhone 6 sans que cela ne soulève le moindre sourcil. Mine de rien, cette attitude d' »évitement » de l’évidence confirme de façon spectaculaire l’un des arguments rabâché en 2012 par Apple lors de son procès face à Samsung : la copie n’est pas avant tout un problème parce qu’elle induirait le consommateur en erreur (cela ne peut pas vraiment être le cas, un argument d’ailleurs souvent repris par les contrefacteurs pour se défendre), mais parce qu’elle « dilue » les signes distinctifs de la marque, qui sont a force moins distinctifs justement, au point de ne plus être considérés comme faisant partie de la marque elle-même.

huawei-ascend-p8

L’iPhone 6s…heu, l’Ascend P8

Le fait même que l’on puisse distinguer la copie de ce qui ne l’est pas prouve en sus que le design d’un iPhone ne se limite pas à ce qu’en disaient les propos les plus caricaturaux, c’est à dire à un simple rectangle avec des coins ronds. Tous les deux ans qui plus est, Apple renouvelle le design de son iPhone, et l’iPhone 6 est sans doute celui qui a introduit le changement le plus radical : ces fameuses tranches courbes et polies, ce côté « design industriel » et un peu rétro des ouvertures des HP, ce design général « à plat ». On retrouve tout cela sur le P8, et Huawei n’a même pas pris le soin d’attendre une génération supplémentaire avant de faire comme si le design pourtant propre à l’iPhone ne lui appartenait déjà plus. La multiplication, rapide qui plus est, de smartphones très inspirés de l’iPhone 6 a toutes les chances d’accélérer l’impression que ce dernier ne se distingue pas vraiment de ses copies, si ce n’est pour une raison qui n’a pas grand chose à voir avec le design hardware : son interface, qui est encore l’élément le plus repérable du premier coup d’oeil.

Galaxy S6 vs iPhone 6 Bas

Ici l’iPhone 6 sur le Galaxy S6; un très fort air de ressemblance…

Reste alors une question : pourquoi la justice, qui protège fermement les brevets de design dans la plupart des secteurs de la production matérielle, semble se montrer finalement très laxiste dès lors qu’il s’agit du secteur des smartphones ? Nul ne le sait vraiment, et sans doute que le fait qu’Apple réussisse à écouler ses iPhone par dizaines de millions ne contribue pas à donner le sentiment que la copie puisse réellement nuire à ses ventes. Mais demain ? Huawei est déjà numéro 3, et comme par le plus grand des hasards, c’est au moment où le fabricant suit le design de l’iPhone à la culotte que les ventes explosent à ce point. La même chose pouvait déjà être dite en 2010 au sujet de Samsung, au moment de l’envol des ventes de Galaxy S1 (Samsung ne pesait rien avant sur le marché du smartphone), dont le design était alors une copie quasi-conforme de celui de l’iPhone 3GS.

Huawei suit à la trace une technique éprouvée : « rappeler » le design du smartphone « leader » sur le marché tout en proposant un prix bien en deçà de l’appareil référence. Le même « procédé » appliqué sur un tout autre marché, et l’on ne serait pas loin de parler de contrefaçon. L’on pourra toujours dire que Jonathan Ive peut encore proposer un nouveau design pour l’iPhone…mais c’est bien ce qu’il fait déjà, tous les deux ans en fait, au risque de faire perdre au smartphone d’Apple son design iconique, par la multiplication des copies et les évolutions de design sensées distancer – en vain – les copieurs. A ce petit jeu, il n’est pas dit qu’Apple s’en sorte toujours gagnant…