L’on sait donc aujourd’hui que l’un des terroristes de la tuerie de San Bernadino possédait bien un iPhone, et que c’est cet iPhone qui n’a pas pu être déverrouillé par le FBI, ce dont s’était d’ailleurs plaint le patron de l’agence.  On le sait, parce qu’un juge de Californie a donné l’ordre à Apple de permettre l’accès aux données contenues dans l’iPhone de l’un des terroristes, un iPhone 5c exactement, appartenant à Syed Farook (l’un des deux tueurs).

Tim Cook Visage

Dans un long message adressé à tous les clients d’Apple, Tim Cook a confirmé qu’il avait fait appel de cette décision de justice, qui pourrait aboutir à l’obligation pour Apple de concevoir une version d’iOS contenant un backdoor (soit un simple code d’accès), version qui serait mise à jour sur le seul mobile du terroriste ainsi que sur tout autre iPhone « impliqué » dans les affaires de sécurité nationale. Mais cette solution, même ciblée, ne satisfait pas du tout le CEO d’Apple, qui y voit l’ouverture d’une véritable boite de Pandore :

« Le gouvernement américain nous demande quelque chose que simplement nous n’avons pas, quelque chose de trop dangereux pour que nous le réalisions. Ils nous ont demandé de créer un backdoor pour l’iPhone. Dans le détail, le FBI veut que nous fabriquions une nouvelle version du système d’exploitation de l’iPhone, qui contournerait de nombreux éléments de sécurité, afin de l’installer dans l’iPhone concerné par les investigations judiciaires. Dans de mauvaises mains, ce logiciel – qui n’existe pas aujourd’hui – aurait le potentiel de débloquer tout iPhone possédé par un individu dans le monde.

Le FBI peut bien utiliser des mots différents pour décrire cet outil, mais qu’on ne s’y trompe pas : fabriquer une version d’iOS qui contourne la sécurité de cette façon revient indéniablement à créer une porte-dérobée (backdoor). Et même si le gouvernement argue que son usage sera limité à cette seule affaire, il n’existe aucun moyen de garantir un tel niveau de contrôle. »

James Comey FBI

James Comey, Directeur du FBI, demande depuis plusieurs mois une version d’iOS contenant une porte dérobée

A l’instar de nombreux experts juridiques qui se sont exprimés sur le sujet depuis l’annonce de la décision de justice californienne, Tim Cook s’insurge aussi par le passage en force de la justice, qui s’appuie sur le All Writs Act (l’équivalent d’un décret à application immédiate) et évite ainsi le passage par le vote du Congrès américain, ce que Cook dénonce sans ambages comme un « dangereux précédent » :

« Les implications des demandes du gouvernement sont effrayantes. Si le gouvernement peut utiliser le All Writs Act pour déverrouiller plus facilement votre iPhone, il a de facto le pouvoir de récupérer les données contenues dans le smartphone de n’importe qui. Le gouvernement pourrait étendre cette entorse à la vie privée et demander à Apple d’intercepter vos messages, d’accéder à vos données de santé ou vos informations financières, vous géolocaliser, voire même accéder au micro ou a la caméra (du smartphone) sans votre consentement. »

Rarement, voire jamais les propos d’un CEO d’une entreprise faisant partie du Global 500 n’avaient été aussi durs vis à vis du gouvernement américain; et l’on est très loin de constater la même véhémence et la même combativité chez les dirigeants de Google, Microsoft ou Facebook; pourtant, les enjeux sont énormes, tant en termes économiques pour Apple (et d’autres) qu’en termes moraux et politiques, et cela dans un contexte de grande défiance vis à vis des volontés du pouvoir, une défiance largement alimentée (et sans doute justifiée) par les révélations d’Edward Snowden.