Le ton est soudainement monté d’un cran entre le gouvernement américain et Apple dans l’affaire du chiffrement iOS, de deux crans même. La première salve est venue hier du DoJ (Department of Justice), qui a critiqué très sèchement les arguments de Cupertino, les estimant même « toxiques pour les institutions« . L’avocate du DoJ, Eileen Decker, attaque bille en tête en expliquant que toute la rhétorique d’Apple vise seulement à faire oublier qu' »Apple veut désespérément — a besoin désespérément — que cette affaire ne soit pas celle d’un unique iPhone « ; pourtant, c’est bien le patron du FBI en personne – et non pas Apple – qui parle de jurisprudence au sujet de l’iPhone de San Bernardino, et considère que ce cas permettra de résoudre par ricochet celui des nombreux iPhone « bloqués » dans d’autres affaires judiciaires (Cowey a refusé de donner un chiffre précis devant le Congrès); Le Procureur de New-York Cyrus Vance tient d’ailleurs des propos très proches et va même encore plus loin en demandant des procédés de déblocage rapides à mettre en oeuvre, afin de banaliser ces procédures de déchiffrement pour n’importe quelle affaire de justice où des iPhone sont impliqués.

Eileen Decker poursuit sa charge en accusant Apple de ne pas être très coopératif dans cette affaire; pour une société « brassant des milliards de dollars »  et forte de 100 000 employés, le fait de mettre à disposition une dizaine d’ingénieurs pour modifier le code source d’iOS ne devrait pas poser de problèmes particuliers, contrairement à ce que prétend Tim Cook. L’avocate accuse aussi ouvertement Apple de pratiquer le double-jeu avec la Chine, acceptant là-bas ce qu’elle refuse de donner ici. Mais le clou de cette critique au vitriol, c’est l’accusation, grave, qu’Apple et non le FBI serait en fait responsable du fait que l’on avait pas pu récupérer les données iCloud de l’iPhone du terroriste. Le mot de passe du compte avait en effet déjà été modifié par Farouk lui-même quelques jours avant l’attentat.

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Bruce Sewell, chef juridique d’Apple, est particulièrement remonté contre les arguments du DoJ

En l’occurence, les explications de Eileen Decker ne tiennent pas: le fait d’avoir modifié le code des jours auparavant n’aurait rien changé à la sauvegarde automatique des données iCloud de l’appareil (photos notamment) puisque Farouk s’était bien servi de son iPhone par la suite…et avait donc validé le nouveau mot de passe iCloud à partir de l’iPhone. L’argument est techniquement tellement faux que l’on est même en droit de se demander si l’avocate ne ment pas sciemment sachant que le grand public n’aura pas les connaissances techniques suffisantes pour se rendre compte de la supercherie. Rappelons aussi que là encore, c’est une nouvelle fois le patron du FBI qui a confirmé que la « boulette » venait bien de ses services, ces derniers ayant modifié le mot de passe iCloud après la mort du terroriste, ce qui a empêché le backup automatique des données de l’iPhone (il aurait fallu valider le nouveau mot de passe à partir de l’iPhone …bloqué par code).

Devant la violence de l’attaque, Bruce Sewell, le chef juridique d’Apple, ne s’est pas embarrassé de formules policées pour dire tout le mal qu’il pensait du petit papier du DoJ, rappelant qu’en trente ans de carrière il n’avait encore jamais lu un document aussi manifestement orienté dans l’unique objectif de trainer la partie adverse dans la boue. Sewell parle ainsi des « allégations » selon lesquelles Apple « aurait délibérément fait des changements pour bloquer les demandes autorités », des allégations « choquantes » pour l’expert juridique. Sewell accuse même le DoJ de mensonge au sujet de la Chine, et estime que le gouvernement use ainsi d’arguments « désespérés » , « au point d’envoyer la vaisselle contre le mur » (ou brasser du vent si l’on veut…). Désormais, c’est réellement la guerre ouverte entre Apple et le gouvernement américain.