A l’heure de la fin officielle de Flash, il semble plutôt à propos de revenir sur l’homme qui a porté le premier coup de poignard au standard d’Adobe, un premier coup directement fatal à vrai dire, même s’il a fallu 13 ans pour signer l’acte de décès.

Nous sommes le 9 janvier 2007. Steve Jobs vient d’annoncer l‘iPhone, un appareil mobile qui cumule les fonctions d’ « un iPod à écran large avec commandes tactiles, un téléphone mobile révolutionnaire et un communicateur Internet révolutionnaire ». Le CEO d’Apple ne s’est pas étendu sur l’une des particularités pourtant majeure de ce premier smartphone de l’ère moderne : l’absence de Flash. A l’époque, les possesseurs de Windows Phone, de BlackBerry ou de Nokia raillent ce choix d’Apple. Flash est depuis longtemps un standard de fait en 2007 (le plug-in est sorti en 1996) et certains se demandent si cette absence de support ne va pas nuire au succès de l’iPhone.

Steve-Jobs-iPhone

C’est en fait l’inverse qui se produit : les ventes d’iPhone décollent enfin après un premier semestre en demi-teinte, et dès la sortie de l’iPhone 3G en 2008, de nombreux sites commencent déjà à adapter leurs contenus vidéo afin que ces derniers puissent être lus sur le smartphone phénomène. En 2010, 40% des contenus vidéo d’internet peuvent être lus sur un iPhone. La même année, Steve Jobs jette un second pavé dans la mare, cette fois sous la forme d‘une longue lettre ouverte dont le seul objectif est de dégommer Flash. L’homme au col roulé noir pointe l’aspect ultra-propriétaire du plug-in/lecteur media, les failles de sécurité récurrentes, les performances médiocres qui impactent l’autonomie des mobiles, la mauvaise prise en charge des interfaces tactiles ainsi que l’absence de SDK cross-platform pour la création de contenus.

Jobs ne fait pas de détails dans sa conclusion : « Flash a été créé à l’ère du PC – pour les PC et les souris. Flash est une entreprise prospère pour Adobe, et nous pouvons comprendre pourquoi ils veulent le pousser au-delà des PC. Mais l’ère du mobile concerne les appareils basse consommation, les interfaces tactiles et les normes Web ouvertes – des domaines où Flash échoue. L’avalanche de médias proposant leur contenu pour les appareils mobiles d’Apple démontre que Flash n’est plus nécessaire pour regarder des vidéos ou consommer tout type de contenu Web. Et les 250 000 applications de l’App Store d’Apple prouvent que Flash n’est pas nécessaire à des dizaines de milliers de développeurs pour créer des applications graphiquement riches, y compris les jeux. Les nouveaux standards ouverts créés à l’ère du mobile, tels que HTML5, finiront par triompher sur les appareils mobiles (et sur PC aussi). Adobe devrait peut-être se concentrer davantage sur la création d’excellents outils HTML5 à l’avenir, et moins sur les critiques d’Apple pour avoir laissé le passé derrière lui ».

Steve Jobs

Sans trop de surprise, une grande partie des médias français (très souvent dans le Steve Jobs bashing) se range du côté d’Adobe. Bien peu visionnaire pour le coup, Le Monde publiera un long articleRejet de Flash : les arguments de Steve Jobs passés au crible – qui débine la lettre ouverte du CEO d’Apple. Le journal se trompe sur à peu près tout, « expliquant » par exemple que le H264 « risque en réalité de poser des problèmes de licence ». Moins de 7 ans après cet article, devant la multiplication des failles et la prédominance du H264, Adobe se résout à annoncer la fin programmée de Flash. Le 31 décembre 2020, Flash est officiellement mort.