Antonio Garcia Martinez, ancien chef analyste publicité chez Facebook plus connu du grand public pour son autobiographie romancée Chaos Monkeys, a été prestement viré d’Apple quelques jours seulement après avoir été embauché au service pub du californien. Cet aller-retour minute, inédit dans l’histoire d’Apple, a pour point de départ une pétition lancée par quelques employés en interne, une pétition qui rappelle les propos prétendument misogynes d’Antonio Garcia dans son autobiographie écrite en 2015.

A priori,  la situation semble claire : Antonio Garcia Martinez serait au final un sale sexiste qui a toutes les chances de propager ses opinions toxiques dans les locaux de Cupertino. En somme, une erreur de casting grossière, sans oublier le couplet sur les mâles blancs de la Silicon Valley qui entretiennent le patriarcat aux postes les plus élevés. Le long texte des signataires revient notamment sur l’un des paragraphes les plus crus de Chaos Monkey… en oubliant quelques détails au passage. Ainsi, Antonio Garcia Martinez écrit que « La plupart des femmes de la région de la baie sont douces et faibles, choyées et naïves malgré leurs revendications de mondanité, et généralement pleines de merde ».

Antonio Garcia Martinez

La phrase est lapidaire, sans aucun doute ordurière, mais il n’est clairement pas acquis qu’elle soit à strictement parler misogyne : l’auteur ne vise pas toutes les femmes mais « la plupart des femmes », vivant en outre dans un endroit bien précis, la Baie. Certes, il s’agit a coup sûr d’une généralisation pas très fine (on peut douter qu’Antonio Garcia Martinez connaisse toutes les femmes de la Baie), mais cette généralisation part ici de la critique d’une certaine catégorie d’individus, une critique basée sur les observations de l’auteur, pas sur le fait que les individus ciblés soient des femmes (même s’il se trouve que c’est bien le cas). Ces propos au vitriol ressortent même d’un genre de « dévissage sociologique » un peu cynique que l’on retrouve aussi bien dans la littérature (les œuvres de Houellebecq), que dans les séries (Californication) ou… certaines autobiographies largement romancées (comme Microserf de Douglas Copland, qui porte sur la vie d’un développeur travaillant pour Microsoft). Du reste, Antonio Garcia Martinez s’était expliqué sur ces passages controversés lors de la sortie de l’ouvrage, des explications qui avaient largement convaincu à une époque où l’on ne cherchait pas à tout prix à dépeindre le moindre mot sous le plus mauvais angle possible.

Chaos Monkey

Ces explications, Apple les connaissait aussi. C’est du moins ce qu’affirmait il y a quelques jours Antonio Garcia Martinez dans la foulée de son licenciement. « Apple m’a activement recruté pour mon rôle dans l’équipe de publicité, en contactant un ancien collègue pour me convaincre de les rejoindre » déclare l’intéressé. Surtout, les recruteurs de Cupertino étaient « parfaitement au courant » des écrits de l’ex-cadre de Facebook. Lors de son entretien d’embauche, Antonio Garcia Martinez aurait même été longuement interrogé sur son bestseller et sur sa personnalité. En d’autres termes, il apparait qu’Apple a pris la décision du licenciement sous la seule pression d’un petit groupe d’employés, alors même que les propos incriminés étaient bien connus de Cupertino. Apple connaissait aussi les sacrifices personnels réalisés par Antonio Garcia Martinez afin de rejoindre son nouveau poste : « J’ai bouleversé ma vie pour Apple. J’ai vendu ma résidence WA que j’avais construite de mes propres mains, j’ai déménagé, j’ai mis fin à toute présence médiatique publique et à mes futures aspirations à écrire, et j’ai décidé de construire ma carrière chez Apple pour les années à venir. « 

Le message qu’Apple a envoyé à ses employés juste après le licenciement serait donc fondamentalement hypocrite, sans compter que les termes utilisés laissent entendre qu’Antonio Garcia Martinez aurait pu avoir un comportement toxique durant son court passage à Cupertino, ce qui n’a donc jamais été le cas. S’il s’avère qu’Apple était bien au courant des écrits d’Antonio Garcia Martinez, que ce dernier a été embauché « en toute connaissance de cause », on se retrouverait donc en face d’une dérive presqu’aussi toxique que les faits qu’elle prétend dénoncer. Apple aurait in fine menti, sacrifié un individu et sa réputation (et donc sa future vie professionnelle), tout en prétendant défendre des principes d’inclusivité au moment même où il se soumettait à un effet de meute. Une communication un peu rance en somme… Antonio Garcia Martinez se réserve le droit d’attaquer Apple en diffamation.