« C’est de bonne guerre » comme on dit… Voilà ce qu’on peut souvent lire en commentaires des dernières campagnes comparatives d’Intel, des campagnes qui ciblent les derniers Mac équipés de processeurs M1, voire récemment les Mac Intel avec les jeux. Et après tout, Apple lui-même, il y a tout de même fort longtemps maintenant, n’avait pas hésité à user de la comparaison dans sa célèbre série de spots Get a Mac (Mr Mac vs Mr PC). Cela suffit-il à adouber les récentes et nombreuses moqueries d’Intel à l’encontre d’Apple ? Rien n’est moins sûr…

Pub comparative : l’aveu de faiblesse ?

Dans le domaine technologique, d’une façon générale, la pub comparative est souvent perçue comme une technique défensive, l’arme de celui qui se sait en difficulté ou en tension sur des points particuliers. Et il y a de bonnes raisons à cela : ainsi, les spots Get a Mac ont été lancés à une époque (2006) où le PC éclipsait totalement le Mac dans les ventes. Avec 5% de Pdm aux Etats-Unis et seulement 3% de Pdm dans le monde, le Mac ne pèse presque plus rien en 2006, même si la situation est alors nettement moins catastrophique qu’au tout début des années 2000 (3% aux US, à peine 1,8% dans le monde). C’est dans ce contexte encore très fragile qu’Apple lancera une campagne comparative à la fois drôle et très agressive. Au vu du succès public de cette campagne, et du décollage des ventes des Mac qui l’a suivi, force est de reconnaitre que la technique s’est avérée plutôt efficace.

Samsung, ou le complexe d’infériorité

Plus récemment, Samsung n’a pas hésité à se moquer frontalement… des fans de la marque Apple, souvent de façon assez peu élégante. Là encore, la campagne s’inscrit dans un rapport de force : malgré des ventes globales supérieures à celles d’Apple, Samsung reste à la traine du californien sur le marché des smartphones premium (au delà de 500 dollars l’unité), celui qui dégage le plus de bénéfices. Pour le grand public aussi, et quoi qu’on en dise, Apple reste le grand « disrupteur » originel sur le secteur mobile : il y a un avant et un après l’iPhone de 2007, ce que le procès de 2012 entre Apple et Samsung ne fera que confirmer.

Apple samsung justice

Une autre forme de « pub » comparative. Ce document a été présenté par Apple lors du procès contre Samsung en 2012

Le géant sud-coréen tente de donc ici de gommer un avantage quasi historique : si Apple est porté aux nues, c’est uniquement par une masse informe de fans décérébrés, et non à cause d’une accumulation de produits considérés comme disruptifs à leur lancement (Apple 1&2, Macintosh, Newton, iMac, iPod, iPhone, Mac M1 aujourd’hui). Etant donné l’explosion des ventes d’iPhone sur les derniers trimestres, on ne peut pas vraiment dire que cette stratégie de dénigrement ait porté ses fruits.

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Se moquer de l’utilisateur… quelle classe !

M1 : Intel sur la défensive

La campagne actuelle d‘Intel s’inscrit dans une même logique défensive. La firme de Santa Clara traverse en effet une période difficile. Le retour en force d’AMD et des difficultés récurrentes à descendre en finesse de gravure ont fini par donner l’impression qu’Intel capitalise plus sur son passé et sur la base installée de PC Intel que sur sa capacité à innover. L’annonce des premiers Mac sous processeurs M1 n’a fait que dégrader encore plus l’image du fabricant. C’est d’autant plus vrai que les perfs du M1 ne reposent pas sur des effets de manche marketing. La valse des testeurs et Youtubeurs franchement épatés par les perfs des MacBook Air/MacBook Pro M1 a rendu totalement crédible ce qui n’était encore récemment qu’une simple hypothèse : un processeur sous base ARM peut vraiment « faire le job » dans un ordinateur personnel, cumulant les avantages « naturels » de l’architecture (consommation plus faible, portabilité), avec cette fois, des performances notables. Comme un goût de révolution de palais.

Apple M1 Specs

A partir de là, et quoi que puisse en dire l’équipe dirigeante d’Intel, les campagnes de moqueries visant le Mac (et surtout le Mac M1) apparaissent forcément et avant tout comme une réaction au coup de semonce du M1. En creux, chaque tweet acide, chaque publication mordante signifie qu’Apple a poussé Intel hors de sa zone de confort. Le M1 étant inattaquable en terme de ratio puissance/consommation, Intel attaque sur tout le reste  : les Mac n’ont pas assez de ports, il n’y a pas de Mac hybrides, le Mac est boudé par les joueurs, etc.

Le troll Intel rate sa cible

Et comme il faut bien quelques chiffres pour faire passer la sauce, Intel n’hésite pas à user d’éléments de comparaisons souvent peu pertinents, comme dans la toute dernière campagne où des MacBook Pro Intel (avec GPU Radeon) lancés il y a un an sont comparés à la crème des derniers PC équipés de GPU RTX 3060. Cela n’a aucun sens, et surtout, ne vise pas la bonne cible. Les joueurs sont en effet déjà acquis au PC, pour des raisons qui excèdent les seuls critères techniques ou de performances : il n’y a tout simplement pas assez de jeux sur Mac, et encore moins de jeux récents. A prêcher des convaincus, on finit souvent par prêcher dans le désert.

Intel Diaporama Jeux PC vs Mac 2

Autre lecture : les MacBook Pro Intel d’il y a un an s’en sortent finalement pas trop mal face aux tous derniers PC avec Core 11ème Gen et GPU RTX 3060. Quant au M1… il refoule du goulot ? 

Quant à critiquer l’absence de Mac hybrides, le manque de ports ou l’orientation Pro (au détriment du gaming), cela revient un peu à dire que l’eau mouille. La finesse et l’élégance du design font partie de l’ADN des produits Apple, au même titre que le fait de cibler plutôt les infographistes, vidéastes, et musiciens que les gamerz adeptes d’eSport. Si l’on devait juger l’impact de cette campagne anti-Mac sur les seuls résultats d’Apple, le bilan n’apparaît pas très glorieux : les ventes de Mac ont en effet doublé lors du Q1 2021, et les ordinateurs pommés ont de nouveau atteint les 10% de Pdm en Europe.

Intel pub escargot

C’est l’histoire d’un Lion qui se présente comme un Escargot…

Le pire n’est sans doute pas là : au delà de son manque d’efficacité, la stratégie comparative d’Intel donne l’impression, encore une fois en creux, que la firme est en plus grande difficulté qu’elle ne l’est vraiment. Certes, le « départ » annoncé d’Apple va faire un trou dans les commandes, certes encore, AMD a superbement redressé la barre ces dernières années, mais Intel reste malgré tout ultra dominant sur le serveur, dispose encore de solides place-fortes dans le monde Pro, sans compter que le retard sur la finesse de gravure finira bien par être en partie comblé un jour ou l’autre. Faire un tel aveu de faiblesse quand on est fort, cela revient au final à créer de la confusion, et souvent de la moquerie en retour, chez ceux que l’on était pourtant sensé convaincre…