C’était attendu : l’autorité (française) de la concurrence vient d’infliger à Apple une amende particulièrement salée de 150 millions d’euros pour ne pas avoir respecté les règles de la concurrence lors de la mise en place de son système anti-ciblage publicitaire (dispositif ATT/App Tracking Transparency). Dans son communiqué, l’autorité de la concurrence « constate que si l’objectif poursuivi par le dispositif ATT n’est pas critiquable en soi, ses modalités de mise en œuvre ne sont ni nécessaires ni proportionnées à l’objectif affiché par Apple de protection des données personnelles. » Il est en outre noté que  » l’introduction du dispositif engendre une multiplication des fenêtres de recueil de consentement compliquant excessivement le parcours des utilisateurs d’applications tierces au sein de l’environnement iOS » et que « les règles encadrant l’interaction entre les différentes fenêtres ainsi affichées portent atteinte à la neutralité du dispositif, causant un préjudice économique certain aux éditeurs d’applications et aux fournisseurs de services publicitaires. »

ATT CNIL autorité de la concurrence

Plusieurs chapitres expliquent la décision française, des explications qui semblent dans un premier temps passer par pertes et profits le choix des utilisateurs face au ciblage publicitaire (pour rappel, la France est le seul pays à punir Apple pour la mise en place de l’ATT). Si le sort des petites éditeurs de plateforme publicitaire est largement détaillé dans le communiqué, la liberté des utilisateurs à refuser le ciblage est en revanche à peine évoquée, ce qui donne parfois la désagréable impression que l’avenir économique des plateformes de pub a nettement plus compté dans la décision de l’Autorité que les choix des utilisateurs d’accepter ou de refuser le ciblage.

L’autorité de la concurrence ne va pas à jusqu’à interdire l’ATT sur le territoire français, mais l’on voit mal comment les points mis en exergue ne pourraient pas aboutir à une refonte radicale du dispositif… avec le risque d’un affaiblissement de la liberté des utilisateurs face au ciblage publicitaire ? L’organisme rappelle ainsi que « les (petits) opérateurs dépendent en grande partie de la collecte de données tierces pour financer leur activité ». Il faut bien que business se fasse en somme… « L’Autorité a constaté que le dispositif ATT imposé par Apple n’est pas nécessaire, dans la mesure où il ne permet pas le recueil d’un consentement valable au regard du droit applicable tel qu’il résulte, notamment de la loi Informatique et Libertés. » Là encore, c’est l’existence même de l’ATT qui semble à priori remise en cause par le rendu de l’autorité de la concurrence, cette dernière estimant que le dispositif d’Apple crée une distorsion défavorable aux éditeurs (deux fenêtres pour l’acceptation du suivi, une seule pour le refus). Rappelons tout de même que l’ATT avait été mis en place justement parce que nombre d’applications piochaient dans les données personnelles pour le ciblage publicitaire… sans même en avertir les utilisateurs.

Malgré les apparences, ce grand tacle de l’ATT ne signerait cependant pas la fin du dispositif d’Apple. L’autorité de la concurrence cite en effet un avis de la CNIL qui juge que « la sollicitation ATT pourrait aisément, sous réserve de quelques modifications, servir également à recueillir les consentements requis par la loi française et le RGPD », le tout évidemment sans favoriser ses propres services et apps iOS au détriment des éditeurs tiers. A l’amende s’ajoute l’obligation « pour Apple de publication du résumé de la décision sur son site internet pendant une durée de sept jours consécutifs. »