Décidément, la façon de « gouverner » de Tim Cook (« gouverner » est bien le mot) ne ressemble en rien à celle de Steve Jobs; là où le co-fondateur d’Apple gardait ses convictions profondes pour lui-même (li n’a jamais fait état publiquement de son appartenance politique même si l’on sait qu’il votait Démocrate) Tim Cook lui a décidé de se servir de sa stature de patron de l’entreprise la mieux côté au monde (et incidemment qui réalise plus de 40 milliards de dollars de bénéfice par an) pour défendre les causes qu’il estime juste.

Et en parlant de cause juste, les lois autorisant la discrimination pour « conviction religieuses » ne passent pas auprès de nombreux leaders de la High-Tech, qui estiment que sous couvert de convictions religieuses, il ne devait pas être permis d’écarter une personne d’un service ou d’une proposition de poste. Suite aux propos très virulents de Tim Cook à l’encontre de ces lois – qui sont en discussion dans près de la moitié des Etats américains et déjà votées dans l’Indiana – d’autres CEO ou COO des grandes groupes de la High-Tech se sont empressés de rajouter leur voix à un concert de critiques ininterrompues depuis quelques jours. Sur les forums américains, les esprits s’échauffent, et vu d’un oeil européen il y’a de quoi être assez effaré (pour le dire gentiment) face au contenu d’un débat qui semble idéologiquement très « daté ».

Tim Cook Time Magazine

Les patrons de la high-tech se sont donc fendus d’une déclaration commune qui condamne sans détours les nouvelles lois « religieuses » : « La liberté religieuse et la diversité peuvent coexister et tout le monde, y compris les individus de la communauté LGBT et les croyants, doivent être protégés par les lois de protection des droits civiques de leurs Etats. Personne ne devrait craindre de perdre son emploi ou de se voir refuser un service à cause de ce qu’il est ou de qui il aime. »

Dans la liste des signataires, on trouve Jeremy Stoppelman, CEO de Yelp, Brian Chesky, CEO de AirBnB ou bien encore Yves Behar le talentueux CCO de Jawbone. Etrangement, on ne retrouve ni Google, ni Facebook, ni Microsoft…

Il est à noter qu’un tel « débat » (si l’on peut dire…) serait impossible en France : un restaurateur qui refuserait certaines catégories de clients (code vestimentaire ou autre – la discrimination selon des critères sexuels ou religieux est interdite) devrait légalement le notifier sur la porte de son établissement; les lois « religieuses » américaines autorisent une forme d’hypocrisie qui fait qu’un photographe qui ne veut pas photographier des gays parce qu’il est un chrétien fondamentaliste n’a pas l’obligation de spécifier sur sa devanture qu’il ne photographie pas les gays (alors que c’est bien ce qu’il fait), tout cela bien sûr pour éviter que les autres clients – gays ou hétéros – ne fuient sa société, qui pourrait légitimement être taxée de profondément « discriminante » à l’encontre d’une certaine catégorie de personne. Dans le contexte américain, et dans certains Etats, un gay doit subir l’humiliation de devoir franchir la porte de l’établissement pour, dans un coin et à l’écart des autres clients, se voir notifier par le vendeur qu’il n’est pas le bienvenu. Des pratiques qui rappellent de façon brutale les lois raciales du début du siècle dernier.