Toujours aussi cash ( ce qui ne garantit pas la justesse des propos) Steve Wozniak, co-fondateur d’Apple et inventeur des Apple 1&2, a une nouvelle fois écorné la statue de Steve Jobs lors d’une interview accordée à la CNBC. « Il (Steve Jobs, Ndlr) a appris beaucoup de principes de marketing parce qu’il n’était pas vraiment bon, en termes d’ingénierie, vous savez, de matériel informatique et de logiciels », a ainsi déclaré Woz. « Il a dû trouver d’autres domaines pour se rendre important. » Ouch !

Steve Wozniak

Un peu plus loin dans l’interview, Wozniak reconnait que Steve Jobs est rapidement devenu le leader d’Apple : « Être le principal communicateur et le principal décideur commercial des choses. Il était très doué pour ça ». Woz, qui participe par ailleurs en tant que juge à Unicorn Hunters, une sorte d’émission de télé-crochet pour jeunes entrepreneurs (émission dont il est l’un des créateurs), tacle aussi assez durement l’absence de compétences marketing et de communication de nombre de jeunes « startupeurs » actuels.

Même si ce n’est pas l’objectif de Woz, il y a fort à parier que ces propos seront une nouvelle fois interprétés de travers, essentiellement par des commentateurs qui n’auront pas fait l’effort de se renseigner sur le véritable parcours de Steve Jobs dans le secteur de la tech . Il ne faut pas oublier en effet que le jugement très dur de Wozniak sur les compétences d’ingénierie de Jobs reste celui d’un génie, qui à lui tout seul a conçu l’intégralité de la carte mère de deux ordinateurs personnels désormais mythiques (Apple 1&2).

Le fait est que contrairement à certains avis peu renseignés, Steve Jobs savait programmer et était même considéré comme un élève brillant en électronique dans sa prime jeunesse. Jobs était aussi capable de « lire » une carte mère, et a participé au montage des premières CM de l’Apple 1. Le co-fondateur d’Apple a commencé sa carrière en tant qu’employé d’HP puis d’Atari où il a participé à la création de la borne d’arcade Breakout (certes encore avec le soutien « en loussdé » de Woz). Et comparativement à la formation de nombre de programmeurs actuels, Steve Jobs disposait de connaissances informatiques poussées sur le plan hardware (« monter » un PC aujourd’hui  signifie pas que vous savez comment est architecturé une CM).

Mais Steve Wozniak a cependant sans doute raison sur le fond : Steve Jobs n’était pas plus talentueux que la moyenne des ingénieurs de l’époque, qui étaient globalement tous très loin derrière le génie de Woz. L’homme au col roulé noir a en effet très vite compris qu’il n’atteindrait pas la célébrité en continuant de coder péniblement dans son coin, même s’il reste un peu réducteur de n’en faire qu’un bon communicant soucieux de laisser une trace dans l’histoire de la tech.

Car Woz oublie là encore une autre « compétence » de Steve Jobs qui a fait rapidement toute la différence : sa vision de l’informatique à venir, cette idée centrale que les ordinateurs étaient capables de changer la société en profondeur, et qu’il était donc nécessaire d’apporter cette technologie de pointe au plus grand nombre. Le fait est que si Wozniak avait présidé aux choix stratégiques d’Apple à cette époque, l’ordinateur serait resté réservé à une élite d’ingénieurs et jamais le Macintosh ne serait arrivé sur le marché (en tout cas pas en 1984). Idem concernant l’interface graphique moderne et la souris, qui auraient pris sans doute quelques années de retard.