C’est acté :  les taxes douanières sur les produits importés de Chine aux États-Unis sont désormais de 104%, un pourcentage hallucinant et que l’administration Trump tente déjà de justifier avec l’argument de la relocalisation industrielle. Lors du traditionnel point presse de la Maison Blanche, Karoline Leavitt a même estimé qu’Apple pouvait tout faire avec ses milliards de dollars, y compris donc rapatrier sa supply chain aux États-Unis en un temps record : « [Donald Trump] pense que nous avons la main-d’œuvre, nous avons la main-d’œuvre, nous avons les ressources pour le faire. Comme vous le savez, Apple a investi 500 milliards de dollars aux États-Unis. Donc, si Apple ne pensait pas que les États-Unis pouvaient le faire, ils n’auraient probablement pas investi cette grosse somme. » C’est un premier et gros mensonge : les 500 milliards investis par Apple concernent essentiellement l’infrastructure de cloud et les serveurs pour l’IA, Apple n’ayant jamais mis l’iPhone dans ce pack d’investissement.

Et pour cause – il s’agit ici du second mensonge de l’administration Trump – les États-Unis ne disposent pas de la main d’œuvre ni des ressources nécessaires pour fabriquer l’iPhone aux États-Unis, un point de détail qui explique en outre les très grosses difficultés de l’usine de production de MacBook au Texas, qui a eu toutes les peines du monde à recruter puis à former un nombre suffisant de salariés américains au point de devoir faire appel à de la main d’œuvre chinoise nettement plus qualifiée. Tim Cook avait déjà formulé ces contraintes dès 2017 : « Il y a une confusion au sujet de la Chine. Permettez-moi de vous donner mon avis. L’idée répandue veut que les entreprises s’installent en Chine à cause du faible coût de la main-d’œuvre. Je ne sais pas quelle région de la Chine cela concerne, mais la vérité, c’est que la Chine n’est plus un pays à bas salaires depuis de nombreuses années. La véritable raison, c’est le niveau de compétence, la concentration de ces compétences en un même lieu, et leur nature. Par exemple, les produits que nous fabriquons nécessitent des outils très perfectionnés, et la précision requise dans la fabrication des outils et dans le travail des matériaux est à la pointe de la technologie. Et en Chine, cette expertise en outillage est extrêmement développée. Aux États-Unis, vous pourriez organiser une réunion d’ingénieurs en outillage, et je ne suis pas sûr que vous pourriez remplir une salle. En Chine, vous pourriez remplir plusieurs terrains de football. C’est dire à quel point l’expertise technique est ancrée et répandue. »

Reste enfin la question du temps qui serait nécessaire à cette relocalisation : la mise sur pied immédiate de tarifs douaniers surréalistes alors même que la relocalisation de la production de produits technologiques sophistiqués prend à minima plusieurs années (si tant est que cela soit possible) suffit à prouver que l’objectif réel de Trump n’est pas vraiment de produire de la high-tech sur le sol US mais bien de réduire à zéro le déficit commercial et d’engranger rapidement des centaines de milliards de dollars. Pas moins, mais pas plus, au risque de sacrifier Apple sur le sol américain et dans la foulée toutes les sociétés US dépendantes de la Chine et qui ne disposent pas de milliards de dollars pour relocaliser quoi que ce soit (et encore moins pour relocaliser rapidement) : pour rappel, les PME représentent la moitié du PIB américain, et un grand nombre de ces sociétés dépendent fortement de la supply chain chinoise (le secteur US du jeu de société est en très grand danger par exemple). L’absence de toute planification, de tout système d’aide pour les PME et plus globalement de toute stratégie claire et formulée avec intelligence suffisent à prouver que les USA sont avant tout rentrés brutalement dans une phase de repli ultra-protectionniste, et qu’importe si ce choix se paye par la disparition de secteur économiques entiers. L’iPhone ne sera pas immunisé contre cette déferlante, et Apple ne le sait que trop bien.