L’association CLCV lance une offensive juridique majeure contre Apple en initiant une action de groupe devant le tribunal judiciaire de Paris. Cette procédure vise à indemniser les utilisateurs d’iPhone ayant souscrit à des services de streaming musical via l’App Store avec une tarification abusive.

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Une surfacturation de 1 à 3 euros mensuels pointée du doigt

Au cœur du dossier se trouve la mécanique de rémunération imposée par Apple. L’association de consommateurs Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) dénonce la commission prélevée sur chaque transaction réalisée via l’App Store. Apple récupère systématiquement 30 % du montant de l’abonnement la première année, un taux qui descend à 15 % les années suivantes.

Cette taxe a une répercussion directe sur le portefeuille des utilisateurs. Selon l’association, les abonnements à des services comme Deezer, Spotify ou Tidal coûtent plus cher lorsqu’ils sont souscrits depuis un iPhone ou iPad. Le surcoût estimé varie de 1 à 3 euros par mois par rapport aux prix pratiqués en direct sur les sites Internet des services.

Au-delà de la perte financière, l’association de consommateurs soulève un « préjudice moral ». Elle reproche au fabricant d’iPhone d’avoir verrouillé l’information. Pendant longtemps, les développeurs avaient l’interdiction formelle d’avertir leurs utilisateurs, au sein même de l’application, qu’une offre moins chère existait sur leurs sites Internet. Cette restriction de la liberté de choix constitue, pour l’association de consommateurs, une privation d’information loyale.

Une procédure appuyée par la Commission européenne

Cette initiative française ne sort pas de nulle part. Elle exploite une brèche ouverte par la Commission européenne en mars 2024. Elle avait alors sanctionné Apple d’une amende de 1,8 milliard d’euros pour abus de position dominante, validant la thèse selon laquelle le système de paiement exclusif de l’App Store faussait la concurrence.

La CLCV s’appuie sur cette jurisprudence et sur la directive européenne de 2020 facilitant les actions représentatives. L’objectif est de rassembler les consommateurs lésés sur une période très large, s’étalant de 2011 à 2025. Si l’association obtient gain de cause, tout abonné concerné pourra se manifester pour réclamer son dû.

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Ce mouvement s’inscrit dans une vague de contestation continentale. L’organisation Euroconsumers orchestre des procédures identiques en Espagne, au Portugal, en Italie et en Belgique. Pour ces quatre pays, l’enjeu financier est chiffré à 62 millions d’euros, qu’Euroconsumers espère récupérer pour le compte de 500 000 utilisateurs.

Apple contre-attaque sur la réalité du marché

Face à ces accusations, Apple a réagi avec un porte-parole indiquant au Monde : « Cette action en justice est sans fondement. Le marché européen de la musique numérique est prospère et concurrentiel, et les consommateurs ont plus de choix que jamais en matière de services de streaming musical ». La défense d’Apple repose sur la vitalité du secteur : selon la marque, le marché européen de la musique numérique n’a jamais été aussi concurrentiel et offre un choix pléthorique aux consommateurs.

La firme rappelle également qu’elle a fait appel de la sanction européenne. Une annulation de l’amende de la Commission européenne fragiliserait considérablement les fondements de l’action de groupe française.

Sur le plan technique, Apple cible particulièrement le cas de Spotify, indiquant qu’il « détient actuellement 56 % des parts de marché du streaming musical en Europe – plus du double de ses plus proches concurrents ». L’entreprise souligne que Spotify a cessé de lui verser des commissions sur les nouveaux abonnements dès 2018, en supprimant l’option d’abonnement depuis son application iOS. Apple omet néanmoins un détail crucial : les commissions sur les abonnements existants ont continué d’être perçues jusqu’en 2023, ce qui justifie la période d’indemnisation réclamée.

La CLCV, forte de ses récents succès contre BNP Paribas et GreenYellow, balaie l’argument selon lequel la fin des commissions ne profite pas au client. Même si les prix augmentent, l’association maintient que les utilisateurs ont subi un préjudice financier et moral durable.